Le nombre de Reynolds est un nombre sans dimension utilisé en mécanique des fluides. Il a été mis en évidence en 1883 par Osborne Reynolds. Il caractérise un écoulement, en particulier la nature de son régime (laminaire, transitoire, turbulent).
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Le nombre de Reynolds représente le rapport entre les forces d'inertie et les forces visqueuses. Ce nombre sans dimension apparaît en adimensionnant les équations de Navier-Stokes.
On le définit de la manière suivante :
avec :
Dans l'air (en "atmosphère standard"), une simplification pratique consiste à prendre le nombre de Reynolds comme le produit de l'inverse de la viscosité, soit à peu près 70 000 s/m2 [1], par la vitesse de l'air en m/s et par la longueur caractéristique choisie en m. Ainsi un ballon de football de 22 cm propulsé à 27,8 m/s (ou 100 km/h) navigue à un Reynolds de 0,22 × 27,8 × 70 000 = 428 000. De même, une aile de 1 m de corde volant à 40 m/s (ou 144 km/h) navigue à un Reynolds de 1 × 40 × 70 000 = 2,8 millions.
Dans l'eau douce à 20°C, le coefficient 70 000 s/m2 peut être remplacé par 1 million s/m2. Le Reynolds est alors proche de (
étant toujours en m/s et
en m).
Dans l'eau de mer à 20°C, le Reynolds est proche de (
étant toujours en m/s et
en m).
Ces approximations rapides du nombre de Reynolds sont souvent utiles dans la mesure où les effets du Reynolds sont souvent progressifs (en dehors d'éventuelles plages critiques), ce qui explique que pour représenter les effets du Reynolds, on le représente la plupart du temps en abscisses logarithmiques.
Les essais de maquette de navires ou d'avions devraient être effectués en similitude de Reynolds, ce qui obligerait à compenser la taille réduite du modèle par une vitesse plus élevée que la vitesse au réel. En conditions d'essais, le nombre de Reynolds du modèle réduit est quasiment toujours inférieur, voire très inférieur à celui du réel. Ceci pose de gros problèmes d'extrapolation des résultats au réel et explique pourquoi les souffleries et les bassins de carènes sont des installations de grandes dimensions afin d'autoriser des mesures sur les modèles les plus grands possibles.
Le fait qu'on puisse tester des sous-marins dans une soufflerie (comme ci-contre), donc dans un autre fluide (l'air) que leur fluide naturel (l'eau), montre bien à quel point le Reynolds règne en maître sur les écoulements de tous les fluides. Les essais de maquettes de navires doivent de même être effectués en similitude de Froude pour reproduire au bassin le même système de vague qu'au réel ; le nombre de Reynolds du modèle est alors obligatoirement plus faible qu'au réel.
En magnétohydrodynamique, il est aussi possible de définir un nombre de Reynolds : le nombre de Reynolds magnétique. Cependant, celui-ci n'est pas plus proche du nombre de Reynolds dans sa définition que d'autres nombres adimensionnés utilisés en hydrodynamique pour quantifier l'importance relative de deux effets, comme le nombre de Grashof.
En fonction des nombres de Reynolds croissants, on distingue quatre régimes principaux : régime de Stokes, régime laminaire, régime transitoire, régime turbulent.
Le régime de Stokes correspond aux très faibles valeurs du Reynolds (très inférieures à 1). Dans ce cas les forces d'inertie liées aux vitesses étant négligeables, les forces visqueuses et les forces de pression s'équilibrent. Cette notion correspond au domaine de la microfluidique ou de la décantation de petites particules.
Pour des valeurs plus élevées du Reynolds, les forces d'inertie entrent en jeu : c'est le domaine de la dynamique des fluides.
Dans ce dernier domaine, on observe d'abord un écoulement laminaire avec des lignes de courant bien identifiées. Dans ce type d'écoulement l'effet de la viscosité s'atténue au fur et à mesure que l'on s'éloigne des parois, les vitesses du fluide tendant à s'homogénéiser. Il est alors souvent commode de considérer que l'approximation du fluide parfait (fluide non visqueux justiciable du théorème de Bernoulli) est suffisante hors des zones proches d'une paroi, zones appelées couches limites. Ces dernières concentrent les effets visqueux qui peuvent y être modélisés sous une forme simplifiée.
À partir d'un certain Reynolds se produit une transition qui fait apparaître des instabilités dues à l'amplification des perturbations. La valeur du Reynolds de transition et la nature des instabilités dépendent essentiellement du type d'écoulement considéré.
Ensuite, les instabilités augmentent au point de donner naissance à un phénomène chaotique dans lequel il est difficile de voir une organisation : c'est la turbulence.
On obtient une bonne représentation de l'importance du Reynolds quand on dresse le graphe du Cx quadratique de la sphère dans toute l'étendue possible des Reynolds. Ce Cx varie dans des proportions considérables entre les bas Reynolds (Re < 1, où la sphère se trouve en écoulement de Stokes[2] ) et la plage de Newton[3] (entre les Reynolds diamétraux 1 000 et 300 000) où son Cx prend des valeurs proches de 0,5. Au-delà d'un Reynolds critique de 300 000, se produit la crise de traînée de la sphère, phénomène qui fut correctement quantifié (mais incompris) en premier par G. Eiffel dans sa soufflerie d'Auteuil[4] : le Cx est alors divisé par plus de 5. Ce phénomène est dû à la transition de la couche limite autour de la sphère depuis l'état laminaire jusqu'à l'état turbulent.
Un tel phénomène de crise de traînée (phénomène lié essentiellement au Reynolds mais aussi à la rugosité du corps comme le montre le graphe) existe aussi pour les corps 2D (comme les cylindres ou les profils d'ailes[5]) et 3D (comme les corps de moindre traînée).
On peut aussi dessiner un panorama des Reynolds de tous les corps volants (ou plus généralement se déplaçant dans l'air) en fonction de leur vitesse. Cela donne le graphe à effleurer présenté ci-contre où apparaissent également les longueurs caractéristiques utilisées pour le Reynolds (diagonales bleues).
Les modifications de régime d'écoulement entraînées par la compression d'une artère, en règle générale l'artère humérale, lors de la prise de la pression artérielle sont responsables d'un bruit (« bruits de Korotkoff ») et permettent, par l'auscultation de l'artère en aval de la compression, de connaître la pression systolique -apparition du bruit-, et la pression diastolique -disparition du bruit.
Dans un circuit ou système hydraulique ou oléohydraulique l'écoulement doit toujours être, si possible, laminaire avec, comme seule dissipation d'une partie de l'énergie mécanique, sa transformation en chaleur. Au-delà il est en phase dite critique, puis en régime turbulent qui utilise une partie de l'énergie mécanique pour créer des mouvements de plus en plus désordonnés, le rendement chutant alors considérablement.
Sur un schéma hydraulique pour calculer les pertes en charges et le rendement d'un système hydraulique, il faut soit ajouter chaque élément pour obtenir le nombre de Reynolds complet, soit utiliser un abaque pour définir les diamètres des tuyauteries, raccords et flexibles hydraulique
Deux écoulements à géométrie équivalente pour lesquels les nombres de Reynolds sont égaux sont dits semblables.
Pour qu'une expérience de modèle réduit d'un écoulement donne bien un écoulement semblable (c'est-à-dire identique à changements d'échelles de temps, de distance et de masse près) à l'écoulement en grandeur nature, il faut que :
Les valeurs marquées d'un astérisque « * » font référence à l'écoulement dans le modèle réduit et les autres valeurs à l'écoulement en grandeur nature. Ceci est utile pour les expériences sur les modèles réduits en veine liquide ou en tunnel aérodynamique où on récupère les données pour les écoulements en grandeur réelle. Pour les fluides compressibles, les nombres de Mach doivent aussi être égaux pour les deux fluides afin qu'ils puissent être considérés comme équivalents. De manière générale, il faut que les nombres sans dimension caractéristiques de l'écoulement soient identiques dans les deux écoulements.
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