Le Canadair CL-215 est un avion amphibie bimoteur conçu et produit au Canada. C'est un bombardier d'eau pour la lutte contre les feux de forêts, et le premier appareil spécifiquement conçu pour ce rôle, pour lequel n'existaient précédemment que des avions militaires ou des avions de ligne convertis.
Canadair CL-215 | |
![]() Un Canadair espagnol. | |
Rôle | Avion bombardier d'eau |
---|---|
Constructeur | ![]() |
Équipage | 2 |
Premier vol | |
Mise en service | 1969 |
Production | 125 exemplaires |
Dimensions | |
Longueur | 19,82 m |
Envergure | 28,60 m |
Hauteur | 8,92 m |
Aire alaire | 100,33 m2 |
Masse et capacité d'emport | |
Max. à vide | 12,2 t |
Max. au décollage | depuis la terre : 17,1 t depuis l'eau : 19,73 t |
Fret | 5 455 litres d'eau |
Motorisation | |
Moteurs | 2 moteurs en étoile Pratt & Whitney R-2800 |
Puissance unitaire | 1 565 kW (2 128 ch) |
Performances | |
Vitesse de croisière maximale | 290 km/h |
Autonomie | 2 090 km |
Vitesse ascensionnelle | 5 m/s |
modifier ![]() |
Le Canadair CL-215 a trouvé des clients dans une dizaine de pays. Selon les cas, les utilisateurs sont des armées de l'air, des services de sécurité civile, des marines militaires, ou des entreprises privée qui agissent comme prestataire des états. Un total de 125 exemplaires a été construit entre 1966 et 1989, dans l'usine Canadair de Montréal.
L'appareil a connu une longue carrière et est encore utilisé dans plusieurs pays. Son succès est illustré par le fait qu'en France, le mot Canadair a été lexicalisé dans le sens de bombardier d'eau.
Le dernier exemplaire est sorti d'usine en 1989. Il a été remplacé en 1993 par le Canadair CL-415 qui reprend une conception générale similaire, avec de nombreuses améliorations.
En 1911, le puissant groupe Britannique Vickers (actif à cette époque dans la fonderie, la construction navale et l'armement) crée une division canadienne, Canadian Vickers, dont le chantier naval à Maisonneuve est inauguré fin 1912[1]. En 1923, Canadien Vickers devient aussi un constructeur aéronautique, produisant l'hydravion Vickers Vicking (à ne pas confondre avec l'avion de ligne Vickers VC.1 Viking d'après-guerre) conçu par la maison-mère. Un peu plus tard, l'entreprise produit le Canadian Vickers Vedette, hydravion plus petit que le précédant, qui est de sa propre conception. Ces appareils sont beaucoup utilisés pour cartographier les zones encore mal connues du grand nord canadien[2].
Les premiers avions bombardiers d'eau sont utilisés par les pompiers californiens au cours de la deuxième moitié des années 1950. Les avions convertis pour cet usage sont des appareils hérités de seconde guerre mondiale, de type variés, dont des bombardiers B-17 et des hydravions Consolidated PBY Catalina, ou, plus surprenant, un Northrop F-15 Reporter. Très rapidement, les bombardiers d'eau se révèlent un outil précieux[3]. L'expérience californienne fait école dans les années suivantes. Ainsi, en 1963, la France dispose à son tour de BPY Catalina convertis dans le rôle de bombardier d'eau, basés dans les Bouches-du-Rhône, à Marignane[4].
En Colombie-Britannique, quatre Martin M-170, puissants hydravions quadrimoteurs de transport hérités, eux aussi, de la deuxième guerre mondiale (et sauvés in extremis de la ferraille), sont convertis en bombardier d'eau et remis en service à partir de 1960[5]. Ces appareils sont pendant des décennies les plus gros bombardiers d'eau du monde, ils sont retirés au cours des années 2010[6]. Un autre warbird dont la conversion en bombardier d'eau se montre réussie est le bombardier moyen North American B-25 Mitchell, utilisé dans plusieurs états américains[7].
Les hydravions, comme les Catalina et les M-170, ont un avantage considérable dans le rôle de bombardier d'eau. Les avions « terrestre » doivent, après chaque largage d'eau, venir se poser sur un aérodrome pour se ravitailler. Les hydravions, eux, peuvent se ravitailler par une méthode appelée « écopage » : il s'agit de venir frôler la surface d'un lac ou de la mer, sans s'arrêter, pour remplir les réservoirs. Cela permet des rotations plus rapides[8].
À partir de 1960, Canadair réfléchit à la construction d'un avion spécifiquement conçu pour ce rôle[9]. Le besoin se précise en 1963 : les services forestiers canadiens émettent une requête pour un avion amphibie destiné à larguer de l'eau sur les incendies de forêt. Canadair, avant de s'arrêter sur ce qui deviendra le CL-215, étudie différentes configurations d'appareils, dont un hydravion à flotteurs bipoutre[10].
La société Canadair propose alors un appareil pouvant emporter 5 100 litres d'eau et 320 litres de produit mouillant additionnel. Il dispose de deux écopes situées derrière le redan de coque qui permettent de remplir les soutes en une dizaine de secondes en hydroplanant à la surface d'un plan d'eau. La hauteur de largage peut varier de 30 à 70 mètres par rapport au niveau du sol[11]. Le CL-215 peut également être configuré pour des missions de patrouille ou sauvetage en mer, ainsi que pour le transport de passagers (15 à 19 personnes, ou 9 blessés sur civières).
Le vol inaugural du CL-215 a lieu le et le premier déjaugeage le . Les livraisons commencent en 1969 par 15 avions destinés au Québec et 10 avions pour la France.
La production du CL-215 dure plus de deux décennies : les 125 appareils sortent d'usine de 1969 à 1989[12]. L'assemblage se fait dans l'usine principale de Canadair, à Saint-Laurent, arrondissement de Montréal.
En 1986, le groupe Bombardier fait l'acquisition de Canadair, ce qui lui permettra de créer sa division aéronautique, Bombardier Aéronautique. Confronté à des difficultés financières, Bombardier Aéronautique a revendu en l'ensemble des actifs de sa branche hydravions amphibies à la société Viking Air qui assure désormais le service après-vente de l'avion et la production des exemplaires modernisés (CL-415EAF)[13].
Le CL-215 est un hydravion à coque bimoteur à aile haute. Sa conception est complètement dirigée par les contraintes de la mission de bombardier d'eau : bonne vitesse ascensionnelle, maniabilité à basse vitesse, résistance aux contraintes hydrodynamiques lors de l'écopage, disponibilité opérationnelle. À certains égards, sa conception reprend des idées du Catalina, dont la conversion en bombardier d'eau avait été particulièrement réussie. Le Catalina avait d'ailleurs été produit sous licence par Canadian Vickers, entreprise absorbée par Canadair en 1944[9].
Canadair a beaucoup hésité sur le type de motorisation à utiliser. S'il était évident dès le départ que l'avion serait à hélices, le choix entre le turbopropulseur et le moteur à piston était complexe. Un moteur rotatif de type wankel a aussi été envisagé au début du programme, mais cette technologie manquait de maturité[10]. Le turbopropulseur offre un bien meilleur rapport puissance/poids, mais il est plus coûteux et consomme plus que le moteur à piston. Cet écart de consommation est nettement plus important en basse altitude, et, vu sa mission, le CL-215 n'est presque jamais amené à monter en altitude (il n'est d'ailleurs pas pressurisé). Finalement, il est décidé d'utiliser un moteur à piston, à savoir le Pratt & Whitney R-2800 Double Wasp, utilisé par de nombreux appareils de la seconde guerre mondiale. Les derniers R-2800 sont sortis d'usine en 1960. Le CL-215 présente donc l'originalité d'avoir été conçu avec un moteur qui n'était déjà plus produit. La production de Double Wasp avait été massive pendant le conflit, et il en restait des stocks énormes, la disponibilité ne posait donc aucune inquiétude. En outre, un R-2800 reconditionné ou même neuf de stock ne coûtait qu'une fraction du prix d'un turbopropulseur neuf de puissance équivalente[9].
Cette motorisation posera un problème majeur, plus tard dans la carrière de l'avion : ce moteur nécessite une essence aviation de type 100LL. Ce carburant est polluant (il contient du plomb), et devient, au fil des années, de plus en plus coûteux et difficile à approvisionner : de nombreuses raffineries ont arrêté sa production, de moins en moins d'aéroports le distribuent. C'est ce qui a motivé, à partir de la fin des années 1980, la re-motorisation de certains CL-215 avec des turbopropulseurs Pratt & Whitney Canada PW123AF, proches de ceux équipant nombres d'avions régionaux. Les Canadair de nouvelle génération, les CL-415, ont reçu directement ce turbopropulseur[14] .
Le largage de l'eau se fait à 170-200 km/h, volets déployés, à une altitude qui peut être aussi basse que 30 mètres[15]. Cela impose que l'avion reste parfaitement maniable à une vitesse très faible, et ce même en présence d'un vent latéral par exemple. Or, les efforts exercés sur les surfaces de contrôle d'un avion sont, en première approximation, quadratiques de la vitesse de l'avion[16]. C'est pour cela que le CL-215 a dû être doté de surfaces de contrôle énormes par rapport à la taille de l'avion, et pourvues de puissantes assistances hydrauliques.
L'écopage, c'est-à-dire le ravitaillement en eau de l'appareil, se fait en frôlant la surface d'un lac ou de la mer, pendant une dizaine de secondes, à une vitesse de 150 km/h, l'eau est admise par des ouvertures sous la coque. En dix secondes, l'avion admet cinq tonnes d'eau. Cette opération soumet la coque de l'appareil à des contraintes hydrodynamiques très violentes, et la nécessité de supporter ces contraintes a mené à la conception d'un fuselage très robuste[14].
En arrière du cockpit biplace, se trouve une cabine relativement spacieuse, de 9,40 m de long par 2,40 m de large[17]. L'avion possède un petit moteur pour alimenter ses systèmes lorsqu'il est au sol. La capacité d'eau est de 5,5 mètres cubes. Les réservoirs d'eau se situent en majeure partie sous le plancher de la cabine. Ils se remplissent (écopage) par les ouvertures sur la coque. Une partie des réservoirs se situent au niveau de la cabine, et à leur sommet deux trop pleins évacuent l'excès d'eau par les côtés du fuselage. Dans la cabine, on trouve un réservoir de retardant, des additifs qui sont mélangés à l'eau au moment du largage[10].
Un avion bombardier d'eau doit être capable de reprendre de l'altitude rapidement après avoir largué de l'eau dans un relief encaissé, par exemple au fond d'une vallée. Ainsi la vitesse ascensionnelle et la capacité à effectuer une ressource brutale ont été des enjeux importants de la conception du CL-215. La vitesse ascensionnelle de l'avion (débarrassé du poids de l'eau) est ainsi de 5 m/s, ce qui est beaucoup pour un avion utilitaire. Les re-motorisations à turbopropulseurs ont encore amélioré cette performance, approchant les 7 m/s[17],[14]. La principale mesure des capacités d'un bombardier d'eau est le nombre de rotations qu'il peut effectuer dans une journée entre la zone de l'incendie et le plan d'eau où il s'avitaille. Les CL-215 dépassent souvent les 100 largages par jour[18]. La principale limite à ce nombre est en fait l'endurance des pilotes.
Ne sont plus en service en 2021.
Plusieurs entités différentes ont fait usage de CL-215 au Canada. Le ministère de l'environnement du Saskatchewan a commandé en 2016 à la société Cascade Aerospace, basée à Abbotsford, la conversion de cinq CL-215 (quatre déjà présents dans sa flotte, un racheté à Conair) en CL-215T[22].
L'Espagne a loué deux premiers canadairs à partir de 1970, puis les a achetés et a fait l'acquisition de 8 exemplaires supplémentaires, avec quelques modifications, en 1973. Ces avions ont été payés en vin : du vin espagnol a été livré pendant 8 ans à la Société des alcools du Québec, et le produit de leur vente au Québec a servi à rémunérer Canadair. Ce fut l'occasion pour le vin espagnol de se faire une place sur le marché canadien, qu'il a conservée depuis[14],[23].
La sécurité civile a fait acquisition de 15 CL-215 en 1969[24]. Leur base opérationnelle se trouvait à Marignane. Quatre ont été perdus dans des accidents. Les autres ont été utilisés jusqu'aux années 1990, avant d'être remplacés par 12 nouveaux CL-415. Les derniers CL-215 ont été retirés du service en 1996[18]. Ces appareils ont acquis une telle notoriété que le mot « Canadair » a été lexicalisé, en France, dans le sens de « bombardier d'eau »[25]. Les pilotes de Canadair, en France, sont souvent des pilotes expérimentés ayant fait la première partie de leur carrière dans l'Armée de l'Air ou, plus souvent, dans l'Aéronavale[26].
En Italie, la société privée Sorem (Societa Ricerche Esperienze Meteorologiche) est opérateur des Canadair pour le compte de la sécurité civile. Elle possède sa propre flotte de CL-215, ces appareils sont également souvent déployés dans d'autres pays[27].
Les bombardiers d'eau de ce pays sont intégrés à la Force aérienne grecque. Les CL-215Gr sont utilisés par le 112e escadron, basé à Éleusis[28],
La Thaïlande a fait l'acquisition de deux CL-215 en 1978. Leur opérateur est la marine. Ils ont été cloués au sol au début des années 2000, faute d'entretien suffisant. En 2013, l'un des avions a été remis en service, l'autre étant cannibalisé pour fournir des pièces[29].
Le Maroc a fait l'acquisition en septembre 2021 de trois CL-215 d'occasion. Ce sont des appareils qui ont appartenu à l'Ontario, puis à la société américaine Aero Flite. Ils sont revenus chez Viking Air pour une profonde modernisation au standard CL-415EAF, avant d'être livrés au Maroc[30].
Sur les autres projets Wikimedia :