Vol Air France 1611
Vol Air France 1611 | |||
![]() Caravelle d'Air France, semblable à celle de l'accident du vol Air France 1611. | |||
Caractéristiques de l'accident | |||
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Date | |||
Type | Impact en mer après perte de contrôle | ||
Causes | Incendie de cause incertaine | ||
Site | Mer Méditerranée, au large de Nice | ||
Coordonnées | 43° 17′ 07″ nord, 7° 13′ 25″ est | ||
Caractéristiques de l'appareil | |||
Type d'appareil | Sud-Aviation SE-210 Caravelle III | ||
Compagnie | Air France | ||
No d'identification | F-BOHB Béarn | ||
Lieu d'origine | Ajaccio (Ajaccio-Campo dell'Oro) | ||
Lieu de destination | Nice (Aéroport de Nice-Côte d'Azur) | ||
Phase | Approche | ||
Passagers | 89 | ||
Équipage | 6 | ||
Morts | 95 | ||
Blessés | 0 | ||
Survivants | 0 | ||
Géolocalisation sur la carte : France
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La Caravelle Ajaccio-Nice du vol Air France 1611 (AF1611), parti d'Ajaccio (Corse-du-Sud) en Corse, s'abîme en mer au large de Nice (Alpes-Maritimes) le , tuant les 95 personnes présentes à bord dont 6 membres d'équipage. La Caravelle III Béarn de la compagnie Air France avait décollé de l'aéroport d'Ajaccio-Campo dell'Oro vingt minutes plus tôt et descendait vers l'aéroport de Nice-Côte d'Azur quand l'équipage a signalé un incendie à bord, avant que le contact ne soit perdu. Peu après, des débris de l'avion aperçus à la surface de la Méditerranée confirment l'accident.
L'enquête technique conclut qu'un incendie survenu à l'intérieur de la cabine de la Caravelle — dans sa partie arrière, à proximité des toilettes — s'est propagé jusqu'à entraîner la perte de contrôle de l'appareil. L'origine de l'incendie, pas plus que la cause directe de la perte de contrôle, n'ont pu être établies avec certitude.
L'hypothèse qu'un missile ait abattu l'appareil par erreur lors d'un exercice, rapidement avancée et démentie, a été examinée par la commission d'enquête qui l'a jugé peu vraisemblable et l'a écartée en raison de l'assurance qui lui a été donnée le par Pierre Messmer, ministre de la Défense nationale, qu'aucun missile n'avait été tiré à proximité. Cependant, elle refait surface régulièrement[1]car le la justice est saisie pour dissimulation de documents et recel de preuves[2].
Le président de la République Emmanuel Macron a initié en la levée du secret de défense pour les documents liés à l'accident.
La Caravelle III Béarn no 244, immatriculée F-BOHB, décolle de l'aéroport d'Ajaccio-Campo dell'Oro à 10 h 9[3] pour le vol Air France 1611 à destination de l'aéroport de Nice-Côte d'Azur. La première partie du vol s'effectue sans incident et la météo est ensoleillée[4]. À l'étude des enregistrements écoutés attentivement à la fin du vol, le commandant de bord a pu avoir une inquiétude sur ce qui se passait à bord dès 10 h 28, soit environ 2 minutes avant qu'il n'annonce des « ennuis » et 5 minutes environ avant la chute de l'avion. À 10 h 30, alors qu'il est en descente entre les niveaux de vol FL 90 (9 000 pieds = 2 700 m) et FL 70 (7 000 pieds = 2 100 m), l'équipage annonce par radio avoir des ennuis et mentionne un incendie. Le contrôle aérien l'autorise immédiatement à prendre une route directe et prioritaire à destination de l'aéroport de Nice-Côte d'Azur. Au moment de l'accident, l'avion a émis à 10 h 32 le message suivant : « nous sommes en vue du sol et en bonne visibilité »[5]. Un dernier écho radar est reçu à 10 h 33, localisant l'appareil à 40-45 km de Nice. Les secours sont déclenchés. La découverte à 11 h 22 d'une nappe de kérosène et de débris flottants confirme que l'avion s'est abîmé en mer. Il n'y a pas de survivants parmi les 95 personnes qui se trouvaient à bord[6].
Il y avait 6 membres d'équipage à bord[6] :
Dans la liste des 89 passagers[n 1],[7],[8] se trouvent notamment le général de corps d'armée René Cogny[9], le physicien atomiste polonais Jerzy Sawicki[10],[11], le banquier irlandais Arthur O'Connor[12].
Le repêchage des débris au fond de la mer est mené en quatre campagnes se déroulant de à . Deux expéditions Troïka furent effectuées par le navire Alsace du au et du 10 au dans lesquelles des milliers de photographies exploitables ont pu être réalisées[13]. Lors d'une autre opération Troïka, entre le et le , d'autres photographies ont été effectuées. Le bathyscaphe l'Archimède est requis pour rechercher et étudier l'épave de la caravelle et des milliers de photos sous marine ont été prises[14]. La dernière campagne de chalutage est réalisée du au et des nombreux débris retrouvés seront déposés à l'arsenal militaire de Toulon. Une photo est prise le de l'ensemble des débris repêchés, qui sont déposés à Toulouse[15].
Des équipements sont mis au point spécialement à cet effet (émetteur-récepteur d'ultra-sons, balise acoustique et calculateur). Quatre mille heures de travail ont permis d'identifier 6 à 7 tonnes d'éléments provenant de toutes les parties de l'avion, des morceaux de réacteur[16],[17]. L'enregistreur de vol (boîte noire) a été récupéré par 2 300 mètres de fond, lors de la dernière campagne, mais se révèle illisible car la gélatine se serait détachée du papier dans la partie intéressant la fin du vol et l'aurait endommagée alors que sur les vols antérieurs l'enregistreur de vol est exploitable[18],[19].
Lors de la campagne de repêchage des débris, Jean Dupont, pilote membre de la commission d'enquête, s'inquiète de dysfonctionnement. Il explique avoir déterminé très précisément une zone de chute théorique de l'appareil « dès les premières opérations de chalutage ; on ne tient absolument pas compte de ma zone de chute théorique mais seulement de celle donnée par le commandant de l'Ardent (escorteur de la Marine Nationale) qui avait participé et même dirigé le repêchage des épaves en surface le jour de l'accident. Il paraît surprenant que les officiers de pont de la Marine Nationale fassent une erreur grossière de navigation à 20 miles de la côte »[20],[18].
Le , le ministre des Transports Jean Chamant institue une commission d'enquête pour faire la lumière sur les circonstances et les causes de l'accident, et en tirer les enseignements. Outre le président et le vice président des commissions d'enquête sur les accidents d'aviation, Gaston Fournier, ingénieur général de l'armement et Roger Bénard, ingénieur général de l'aviation civile[n 2], elle comprend cinq autres membres (ingénieurs, pilotes ou techniciens) et le secrétariat en est assuré par le « bureau Enquêtes-Accidents » (BEA, actuel Bureau Enquêtes et Analyses) de l'inspection générale de l'aviation civile[21].
Le , un de ses membres, Paul Guillevic, indique : « sauf information nouvelle, il ne semble pas possible d'affirmer que l'incendie se soit déclaré plutôt à gauche qu'à droite, tout en retenant une probabilité plus forte pour la gauche[réf. souhaitée]. »
Le rapport final de la commission, publié le , conclut que la cause de l'accident est un incendie survenu à l'arrière de la cabine. Son origine, qui n'a pas été déterminée avec précision, serait[22] :
Le rapport note que « la cause directe de la perte de contrôle n'a pu être établie avec certitude : elle peut être liée à l'incapacité physique des pilotes causée soit par des émanations de gaz toxiques, soit par l'envahissement du poste de pilotage par les passagers. »
La commission d'enquête a examiné l'hypothèse d'une collision avec un autre avion ou un missile, ou d'un foudroiement. Elle écrit avoir reçu l'assurance formelle du ministre de la Défense Nationale Pierre Messmer, par lettre , qu'il n'y a eu aucun tir d'engin dans la zone de vol de la Caravelle au moment de l'accident[23]. Elle estime de plus qu'une collision avec un missile ou un avion aurait vraisemblablement causé des dommages majeurs et que l'avion n'aurait pas continué à voler trois minutes. Les bandes radar n'ont montré aucun autre écho à proximité. Les constatations effectuées sur les débris ne lui ont pas paru compatibles avec un foudroiement[23] ou une explosion[17].
Le rapport final de la commission d'enquête est constitué de vingt pages[24].
Trois magistrats vont se succéder dans l'instruction judiciaire jusqu'en 1973. Le , Michel Carlès, doyen des juges d'instruction de Nice, est chargé de l'affaire pénale, puis sera remplacé par Bernard Chaussier et le . André Houpert prendra ensuite l’instruction en charge, et prononcera un non-lieu le [25].
Le , Éric de Montgolfier, procureur de la République de Nice, rouvre l'enquête judiciaire pour dissimulation de documents et recel de preuves[26]. L'instruction judiciaire est reprise en 2014 par le doyen des juges d'instruction Alain Chemama, remplacé en par Maryline Nicolas qui est chargée de poursuivre l'instruction.
La Caravelle volait à proximité de l'île du Levant où se trouve le Centre d'essais de la Méditerranée, une zone de tirs de missiles de la délégation générale pour l'Armement, appelé jusqu'au le Centre d'Essais et de Recherches d'Engins Spéciaux de l'île du Levant (CERES)[27], où se déroulent régulièrement des essais de nouveaux missiles ainsi que des tirs d'entraînement des armées[28].
Le , deux messages protégés ont été émis, le premier à 10 h 16 GMT, le second à 13 h 36 (diffusion restreinte, confidentiel défense, secret défense[Passage contradictoire]). Ils prouvent[Information douteuse] en effet que le centre n'était pas fermé[29].
Déjà, six jours après le crash, la rumeur du missile se répandait dans le Midi et à Paris. Maître Amedée Paoli, avocate au barreau de Paris, entend pour la première fois évoquée dans les couloirs du palais de justice de Paris la thèse du missile ayant abattu la caravelle[30].
Dix jours après le crash, le , Paris Match avance la thèse que la Caravelle ait pu être la victime d'un tir de missile. Son article, Les 268 secondes d'agonie de la Caravelle Ajaccio-Nice, affirme que des exercices militaires se déroulaient dans la zone et propose trois hypothèses sur le drame, y compris l'impact d'un missile d'exercice[31].
Le , une note classée confidentiel-Défense du ministre des Armées évoque l'hypothèse mais précise qu' « un missile sol-air ou air-air dans cette région n'aurait pu s'égarer qu'après avoir été lancé, soit d'un aéronef militaire ou d'un bâtiment de la Marine nationale, soit du centre d'essais de l'île du Levant qui en aurait perdu le contrôle… or le 11 septembre les bâtiments lance-engins n'ont pas quitté leur mouillage au port de Toulon, les aéronefs pouvant lancer des engins n'ont pas pris l'air pour exercice, le centre du Levant n'a pas procédé au lancement d'engins. »[32]. D'après les documents militaires consultés[Par qui ?], l'activité militaire était présente[Où ?] le [33].
7 mois après la catastrophe, la rumeur de la thèse du missile s'installe sérieusement. Le , l'avocat niçois Gérard de Gubernatis écrit au juge d'instruction : « les familles sont les premières à éprouver le besoin de connaître la vérité […] on aimerait que les témoins soient entendus […]. Un accident de cette nature ne peut être l'effet du hasard […] on est en droit de se demander si l'accident n'a pas été occasionné par l'impact d'un missile… […] nous ne saurions nous contenter de la simple réponse du ministère des Armées […][34] ».
Lors du procès, en 1970, dans un reportage du journal de 20 h de la 1re chaîne ORTF, les familles des victimes réfutent la thèse de l'accident et défendent celle du missile ; « pour nous personnellement, pour les familles en général, c'est clair comme de l'eau de roche, c'est un missile qui a abattu la caravelle, c'est une certitude »[35].
En 1970, l'avocat des parties civiles Gérard de Gubernatis a été le premier à mettre la pression sur les autorités et déclare : « Je m'insurge parce qu'on ne veut pas faire la lumière sur cette affaire. Ce « on », je ne sais si c'est Air France, Sud-Aviation ou bien le ministère de la Défense nationale. Mais « on » existe et s'emploie pour que ce drame reste mystérieux »[36].
Le , le préfet maritime déclare que « le champ de tir de l'île du Levant était fermé jusqu'au ». Note : les dates des différents communiqués officiels ne correspondent pas.
Le , Raymond Filippi, bâtonnier au barreau d'Aix-en-Provence, chargé de la défense des familles de victimes déclare : « ce jour-là, un missile à tête chercheuse a manqué à l'appel, c'est donc qu'il a touché un obstacle ! », disant tenir cette information de source militaire en préservant son identité. Raymond Filippi a été l'ancien maire d'Istres. Le chef de cabinet du préfet maritime de Toulon a démenti de façon catégorique cette déclaration en précisant : « le président d'une commission rogatoire nommée à Marseille était venu à la préfecture maritime de Toulon mener son enquête. Il avait eu entre les mains les ordres des opérations prévues et exécutées ce jour-là. Aucun tir n'y figurait. Aucun missile n'a donc quitté l'île au matin de la catastrophe car chaque tir est annoncé quelques jours auparavant par un avis aux navigateurs. Du côté Marine, l'affaire est donc considérée comme close. »[37].
Un « avis de tir » a été publié dans Le Provençal pour le mais il ne concerne que l'activation du champ de tir du Titan (de moins de 10 km de long et destiné aux tirs air/sol) et d'une zone de 1 000 m de rayon à Carqueiranne[38].
Le , le général[Lequel ?] de l'armée de l'air déclare : « l'île du Levant n'était pas utilisée le ».
Le , le ministre de la Défense Michel Debré affirme une lettre adressée aux familles des victimes : « les champs de tir de la région étaient fermés le jour de l'accident. Je suis donc en mesure de vous assurer qu'un missile français n'a pu être à l'origine de cette catastrophe qui vous a frappé cruellement ». Le , il écrit que « le centre du Levant était fermé jusqu'au ».
La défense du gouvernement qui assurait officiellement dès 1968 puis 1970 qu'aucun exercice militaire n'avait eu lieu le jour du crash est fragilisée par un « avis de tir » paru dans Le Provençal le : « le champ de tir air-sol de la zone Titan de l'île du levant était actif les 11, 12, de 8 h 30 à 15 h[39] ».
En , le ministère de la Défense nationale publie un communiqué qui déclare que « Les rumeurs imputant à un tir de missiles la responsabilité de la perte de la Caravelle Ajaccio-Nice, le 11 septembre 1968, sont dénuées de tout fondement […]. Aucun engin n'a été tiré par la Marine nationale ni du Centre d'essais en Méditerranée, fermé jusqu'au 24 septembre, ni du bâtiment lance-engins resté au port, ni de l'escorteur Le Brestois […]. Les appareils des forces aériennes stratégiques participant à l'exercice Poker, qui se déroulait notamment à l'ouest du lieu de la catastrophe, n'emportaient ni bombes ni engins et n'ont perdu ni réservoirs ni charges externes[40] ».
Les bandes radar du centre de contrôle au moment de l'accident sont demandées le par Jean Dupont et Mr Viguier, mais les radaristes leur répondent qu'ils ne possèdent pas ces enregistrements. Le président de la commission d'enquête déclare le venir d'apprendre leur existence. Les bandes seront finalement transmises et exploitées en mars, six mois après l'accident. D'après le témoignage de Pierre Courdil, ancien radariste au centre de contrôle de Marseille ces bandes magnétiques auraient pu laisser apparaître un engin ou un autre avion, et faire l'objet de manipulations, de coupures et recollages[41],[42]. De plus, Pierre Courdil déclare « je pense que c'est une affaire qui a été étouffée car il ne faut pas y toucher »[43], il y avait à bord de l'avion J. Sawicki, chercheur en physique atomique, revenant d'un congrès à Cargèse (Corse). Ses collègues en poste sur la côte d'Azur avaient des expériences en cours, sur des appareils radars similaires à ceux de l'armée (même fabricant, mêmes registres…) et ils ont « vu » sur leur écran un engin arrivant sur la Caravelle. Les enregistrements ont été saisis par les autorités, jamais analysés, ni rendus.
Le , Henri Forestier, sous-directeur du laboratoire central de police de Paris et commis par Paul Giannantoni, transmet ses conclusions à l'enquête judiciaire concernant l'origine de l'incendie sur la Caravelle : « on observe que la partie arrière de la caravelle a subi un incendie particulièrement intense au niveau des toilettes arrière gauche » et il rajoute « la seule explication est celle d'un feu réacteur dont l'arrière est situé au niveau des toilettes et l'incendie [...] semble dû, selon toute vraisemblance, à un feu du réacteur gauche de l'appareil, qui a communiqué l'incendie à l'intérieur de l'avion ». Son rapport d'expertise ne sera pas pris en considération par la commission d'enquête[44]. Sur le rapport, une main inconnue a rayé le mot « gauche » pour le remplacer par « droite »[45].
Le , la commission d'enquête indique les alarmes feu réacteur ne se sont pas déclenchées « Rien ne permet de savoir si le feu a pu être communiqué à l'intérieur du fuselage par un incendie qui aurait débuté à l'extérieur ». Mais deux pilotes dont Alain de Valence, commandant de bord à Air France, soutiennent l'hypothèse qu'une explosion aurait pu détruire le système d'alarme[46].
Le (rapport no 756/PN/RG/PAFSUD), Paul Giannantoni, directeur de l'enquête judiciaire adresse un rapport au magistrat instructeur sur l'hypothèse du feu et déclare : « en fonction de l'enquête, le feu semblait plus important dans la toilette et entre la toilette et le fuselage que dans le compartiment lavabo. Si l'on prend le chauffe-eau comme centre ceci donne à penser que le feu convergeait vers lui au lieu d'en partir », et donc d'après le commissaire Giannantoni l'incendie a bien une origine extérieure [47].
En , Paul Guillevic, membre de la commission d'enquête, indique « craindre que les indices essentiels sur l'origine du feu aient été dans l'incendie réduits en cendre qui se sont dispersées dans la mer »[48].
Dans l'enquête pénale, Constant Guigo, pêcheur ayant participé aux recherches en mer le , évoque parmi les débris retrouvés la présence d'un « morceau de carlingue éclatée, trouée comme si des balles de mitrailleuse l'avaient percée »[49].
Par lettre du déposée au tribunal de grande instance (TGI) de Nice, Renée Rochet, dont quatre membres de sa famille se trouvaient dans la caravelle, déclare : « la thèse du missile a toujours été une réalité certaine pour ma famille et non une simple hypothèse parmi tant d'autres[50].
En 2004, dans l'enquête judiciaire, Pierre Loffredi a déclaré qu'il a eu la preuve verbale que le crash avait été causé par un missile. En 1970, il faisait son service militaire au centre de programmation de la Marine à Dupleix (Paris) et a participé à l'écriture du programme. Il a abordé l'accident de la Caravelle et les ingénieurs militaires lui ont confirmé que le programme avait eu une erreur de cible et que cela a dirigé le missile sur la Caravelle[51].
Au sujet des dates d'activité de l'Île du Levant, le , trois membres du collectif des familles des victimes ont été reçus au ministère de la Défense, à l'hôtel de Brienne pendant 3 heures par Philippe Marland, directeur du cabinet civil et militaire, afin de consulter des documents militaires relatant les manœuvres du . Si sur les documents confiés aux familles rien d'anormal n'apparaît, ils se sont aperçus que sur un document militaire relatif aux manœuvres la date du a été surchargée au stylo bille rouge et transformée en 12 et le 12 en 13. Finalement, le a disparu officiellement et serait une journée sans message et sans activité[52]. Bernard Famchon, un appelé qui faisait son service militaire entre février et au 40e régiment d'artillerie au camp de Suippes, déclare dans une lettre du qu'« un midi, [il a] entendu un gradé qui avait un peu trop bu se confier à l'un de ses collègues. Il disait qu'il était présent sur une base de tir le jour de l'accident, et que c'était un de leurs missiles qui avait détruit la Caravelle »[53]. Ce gradé servait « sur une batterie de missiles antiaériens, il a dit qu'il était, avec d'autres, responsable de la mort des passagers de la Caravelle »[54].
Un autre appelé, Jean Machon, affecté au ministère de l'Air à Paris, affirme, dans une lettre du déposée au tribunal de grande instance de Nice, avoir vu un télex confidentiel mentionnant que le vol 1611 a été détruit par un missile[54].
Dans la lettre du déposée au TGI de Nice, Marie-Dominique Busuttil apporte un témoignage indirect confirmant la thèse du missile. Cette confidence accablante venue en 2000 d'une jeune femme inconnue disait :« son grand-père, géneral de l'armée de terre affecté au centre d'essais de Biscarosse, avait déclaré quelques heures avant de mourir pour soulager sa conscience que c'était bien un missile qui avait touché la Caravelle »[55].
En 2007, dans sa lettre remise au TGI de Nice, Noël Chauvanet rapporte les propos d'un technicien du département radar de Thomson : « Il m'a dit que lors d'une campagne d'essai de missiles sol air en Provence en 1968, le premier engin qui a fonctionné a malheureusement touché la Caravelle »[56],[57].
Un témoin qui se trouvait le jour de l'accident au port de Golfe Juan, Étienne Bonnet, écrit dans une lettre du qu'il a vu la lueur d'un missile arriver à l'arrière de la Caravelle et la percuter au niveau du réacteur gauche[58],[59],[60].
En 2008, les journalistes d'investigation Max Clanet et Jean-Michel Verne contredisent la thèse officielle et avancent de nouvelles hypothèses dans leur ouvrage Secret d'État[61]. Pour eux, « Ces missiles [d'entraînement] n'ont pas de charge de poudre, mais ils sont munis d'une tête chercheuse. Pour exclure totalement le doute, l'enquête devra rechercher si tous les missiles éventuellement employés dans cette région ont été récupérés »[62].
En 2009, dans l'enquête pénale, Gérard Plumail rapporte le témoignage de son ami niçois André Giroux concernant l'accident de la Caravelle Ajaccio-Nice : « Il m'a dit que pendant son service militaire affecté au Mont Agel où il était d'astreinte sur les écrans radar, il a vu la Caravelle touchée par un objet non identifié le 11 septembre 1968 »[57].
Gildas Chouan, ancien second maître sur Crotale à l'île du Levant, déclare en 2011 : « Le 11 septembre 1968 aucun missile n'a été tiré depuis l'île du Levant. Le pas de tir était fermé du 15 juin au 30 septembre 1968 en raison de la présence des naturistes sur l'île »[63]. De nouveau, les dates ne sont pas les mêmes suivant les différentes sources officielles.
En 2011, Michel Laty, qui était secrétaire militaire à la préfecture maritime de Toulon en 1968, déclare à un journaliste de TF1 peu avant sa mort[64] avoir dactylographié un rapport classé secret défense[65] : selon lui, ce rapport mentionnait que le vol 1611 avait été abattu par un missile français, à la suite d'une erreur d'identification de cible[54] en disant que « la Caravelle a été abattue par un missile parti de la terre, en Méditerranée. Une erreur d'identification de la cible (...) On a abattu un avion civil au lieu d'abattre la cible programmée pour ça »[65]. Éric de Montgolfier avait demandé au Procureur de la République d'Agen de l'auditionner, mais Michel Laty n'a jamais été entendu par la justice, car il est mort en [66].
Dans la lettre du déposée au TGI de Nice, Michel Beguier, commandant de bord en retraite, a déclaré : « Comme tout le monde, j'ai appris le crash de la Caravelle d'Air France du 11 septembre 1968. À l'époque j'étais le pilote des chantiers de l'Atlantique et le 14 ou le 15 septembre, Melle Thuillieux, secrétaire du président des Chantiers, m'apprit que la Caravelle avait été touchée par un missile tiré par la Marine nationale. Le missile avait été attiré par la chaleur dégagée par les réacteurs de l'avion. Plus tard, commandant de bord à Air Inter, après le décollage d'Hyères en Caravelle à destination de Paris, j'ai eu la surprise de voir des éclatements d'obus autour de l'avion. J'ai évidemment fait un rapport d'incident mais je n'ai jamais su s'il y avait eu une suite »[67].
En 2013, Ange Ladever déclare dans l'enquête pénale : « J'étais sur un bateau au large du cap d'Antibes quand j'ai vu passer l'avion à basse altitude avec de la fumée s'échappant d'un trou près du réacteur, juste avant qu'il s'abîme en mer »[68].
Par ailleurs, d'autres témoignages estiment peu crédible l'hypothèse d'un départ de feu dans les toilettes qui se serait répandu [69] :
Une bande son du tournage au mont Agel, un centre militaire de détection situé au-dessus de Menton, relatant le matin des manœuvres militaires du est saisie par deux personnes se réclamant des Renseignements Généraux, le soir au moment du montage du reportage dans les locaux de l'ORTF à la Brague, à Antibes. On peut entendre « Merde, on l'a perdu ! » (sous-entendu, le missile). Ce témoignage d'Alain Frasquet, preneur de son à l'ORTF qui assurait le reportage, est confirmé par deux autres témoins dans l'enquête pénale[73]. Il déclare : « le collègue de Paris avait un scoop terrible. J'ai entendu sur son magnéto « on l'a perdu, on l'a perdu ». C'était une voix dans un haut-parleur à l'intérieur du mont Agel. S'ils avaient perdu un point radar, c'était le militaire du mont Agel qui aurait parlé. Mais là, c'était un haut-parleur dans le centre. C'était quelqu'un de l'armée qui s'adressait aux radaristes du mont Agel. Une voix enregistrée possède une couleur différente de celle d'un haut-parleur »[74].
Le journal de bord de la frégate lance-missiles Suffren aurait été manipulé pour la matinée du , et une demi-page recollée sur le livre de bord de la frégate à la date du crash de la Caravelle entre 6 heures et midi avec une absence de la page arrachée[75].
Le , le vice-amiral d'Escadre de Scitivaux de Greische , préfet maritime à Toulon déclare : « l'activation des secteurs d'exercice est organisée (...) et l'utilisation de la zone est confirmée par un document journalier appelé zonex.» En conclusion, le zonex militaire du 11/09/1968 est bien activé et des exercices militaires ont bien eu lieu[76].
Sur le document militaire zonex du figurent les tirs du groupe Aéro-Naval prévus dès 10 h et de l'escorteur le Brestois de 9h00 à 12h00[77].
À la lecture d'un registre courrier classé confidentiel défense de la préfecture maritime de Toulon de 1968, le feuillet no 132 a été retiré. L'inventaire passe de 131 à 133 (photo de couverture) et cette page manquante a été émise entre septembre ou . Le document 132 s'avère être une note du traitant une réunion des officiers des directions à la Major général de la Marine. Cette réunion a eu lieu le à l'État-major de la Marine à Paris et pour laquelle un message urgent de convocation avait été diffusé dès le [78].
Jean-Philippe Brunet déclare que : « je me trouvais à côté du blockhaus le matin du lorsque des gendarmes sont arrivés et nous ont fait partir de cet endroit car il y avait des expériences secrètes sur l'île du Levant, j'ai même vu des militaires qui filmaient la Méditerranée »[79].
Le , les frères Paoli et Sauveur Filippeddu sont reçus à l'hôtel de Brienne par Philippe Marland, directeur de cabinet civil et militaire de la ministre de la Défense, accompagné d'un juriste et d'un colonel. L'entretien porte sur l'exercice Poker qui consistait en une opération aérienne du . L'officier supérieur présente un registre confidentiel de messages de la force aérienne stratégique (FAS) et la date du et du ont été rectifiées. La surcharge est parfaitement visible : le chiffre 1 a été remplacé au stylo par le chiffre 2, la date du 11 devient , le chiffre 2 est remplacé par 3, la date du devient (planche X). En conclusion, sur le registre militaire, la journée du n'existe pas.
Le , Mathieu Paoli, président du collectif des familles des victimes, déclare : « le 12 octobre 2004 nous avons été reçus par le directeur de cabinet de Michèle Alliot-Marie, ministre de la Défense, qui nous a fourni des documents sur les exercices militaires… Nous n'obtenons jamais les documents que nous réclamons. Pour nous la thèse du missile reste toujours crédible »[80].
En , l'expert Raymond Auffray, ancien ingénieur en chef de l'armement et qui a participé aux travaux du CET de l'Aviation civile, à la question « que l'OTAN en Méditerranée aurait pu avoir eu un incident avec la caravelle FBOHB ? » répond « oui, oui »[81].
Le témoignage de Michel Rousseau, un ancien second maître à bord de la frégate Suffren, précise que : « Nous étions sur la zone où la caravelle s'était abîmée, je voyais les débris en surface, les plongeurs militaires les ramassaient et les mettaient dans des sacs et ensuite ça a dû être débarqué à l'arsenal militaire de Toulon »[79].
Le témoignage de Jean-Marc Decaux, matelot à bord de l’Alsace, un chalutier de la marine marchande chargé de la campagne de recherches en mer des débris de la caravelle FBOHB en , déclare que des épisodes bien surprenants de l’Alsace se sont déroulés : « les débris retrouvés de la caravelle n'ont pas été débarqués au port de Nice mais à l'arsenal militaire de Toulon pour de prétendues raisons de confidentialité et c'est à la fin que l'armée a détenu ces débris »[82].
En , l'expert Raymond Auffray qui a participé aux travaux de la CET a déclaré lorsqu'on lui montre le Zonex du dans le sud-est de la France : « Où avez-vous trouvé ce document ? Est-ce lié au rapport de la CET ? ». Apparemment, il n'avait jamais vu ce document militaire lors de ses travaux et il rajoute « En 1968, tout était secret, moins on en parle, mieux ça vaut »[83]
Le , Raymond Auffray déclara : « à l'époque, il y avait des avions militaires à Hyères qui étaient équipés d'engins air-air et air-sol… » et le , le groupe Aéro-Naval d'Hyères était en activité de 8 h 30 à 18 h 30 dans la zone air-sol TITAN[84].
En 2009, le fils du commandant de bord Jean Dupont — pilote de caravelle à Air France, membre de la commission d'enquête — dépose au TGI de Nice une lettre, datée du . Dans cette lettre, Jean Dupont écrit qu'il subit des pressions et note : « je commence à prendre conscience que je me heurte ainsi au pouvoir dont j'ignore les motivations dans cette affaire » ; en qualité de membre de l'enquête, il avait très vite émis des doutes sur la version des faits en constatant qu'on lui refusait les moyens d'accéder à la vérité. Dans sa lettre, il affirme que les causes officielles de l'« accident » lui ont été imposées lors de la rédaction du rapport final ; essentiellement en ce qui concerne l'hypothèse de la collision avec un missile, dont le chapitre aurait été complètement modifié. Plus loin, il annonce craindre pour sa vie : « la raison d'État justifie tous les crimes. S'il m'arrivait avant que cette affaire soit éclaircie, le moindre accident, la moindre maladie, il faudrait rechercher les responsables parmi les autorités militaires et gouvernementales »[85].
Dans le dossier pénal, la note intitulée « Prévisions des mouvements des bâtiments » éditée chaque semaine par l'État-major de la IIIe région maritime de Toulon manque pour la semaine du 9 au . La note militaire dans laquelle devait figurer les mouvements des navires du et notamment de la frégate lance-missiles Suffren a disparu[86].
Le 10 mai 2011, dans un entretien au JT de 20 heures de TF1, Michel Laty, ancien secrétaire militaire à la préfecture maritime de Toulon, déclare au sujet du cash de la caravelle soumis au secret défense : « on a abattu un avion civil au lieu d'abattre une cible programmée pour ça »[87].
Sur la thèse du missile soutenue par Raymond Auffray, expert de l'armement et ayant participé à la CET, Alain de Valence, commandant de bord à Air France déclare : « Nous savons qu'il y a des matériels en expérimentation dont on n'a pas toujours eu la totale maitrise. En 1968 tout était sous le sceau du secret. La situation était particulière et expliquerait que l'on ait voulu taire un certain nombre de choses. Tout était surveillé[88]. »
Concernant le non-fonctionnement des alarmes au moment de l'accident, Alain de Valence estime que « si le feu part de l'intérieur du (réacteur) il y a un système qui déclenche l'alarme mais qui est fait pour détecter un feu, pas une explosion. La thèse du missile de ce côté-là pourrait se retenir. S'il y a explosion, le système est détruit et il n'y a pas d'alarme ». Cette déclaration est confirmée par un autre pilote, M… ; « Dans le cas d'une explosion ou d'un choc, le réacteur est détruit et il n'y a pas d'alarme[50]. »
Des plaintes pour « homicide involontaire » à l'encontre du ministère de la Défense sont déposées en 2006 par Jacques, Mathieu et Louis Paoli (enfants de deux des victimes de la catastrophe)[89] et en 2008 par l'« Association des familles de victimes du crash de la Caravelle Ajaccio-Nice », représentant 35 familles de victimes[90]. Elles sont rejetées le et le pour cause de prescription par la cour d'appel d'Aix-en-Provence puis le par la cour de cassation.
Le dossier a été transmis par maître Patrice Spinosi, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, le à la Cour européenne des droits de l'homme et a été déclaré irrecevable le [91],[92],[93],[94],[95]. Le , le TGI de Nice juge irrecevable la citation directe de l'armée pour homicide involontaire[96].
Le , Éric de Montgolfier, procureur de la République de Nice, ouvre une enquête pour dissimulation de documents et recel de preuves. En , nouvelle plainte avec constitution de partie civile dont le doyen des juges d'instruction est saisi.
Le , l'« association des familles des victimes du crash de la caravelle Ajaccio-Nice » (AFVCCAN) est créée à Vallauris. Présidée par Mathieu Paoli, elle a pour objet de « mettre tout en œuvre [ …] afin que les causes de la catastrophe soient déterminées et que l'on connaisse enfin la vérité ; contre-enquête, recherche en mer des réacteurs […][97] ».
En , l'association, défendue par maître Paul Sollacaro, avocat au barreau de Nice, et maître Stéphane Nesa, avocat au barreau d'Ajaccio, est déboutée par le tribunal correctionnel de Nice, jugeant irrecevable le dépôt d'une citation à comparaître du ministère de la Défense[98],[99],[94].
Après une plainte pour « soustraction et recel de preuves » déposée fin , la justice française décide de rouvrir l'enquête le [100]. La plainte est classée sans suite le par Éric Bedos, procureur de la République de Nice[95].
Le , une nouvelle plainte avec constitution de partie civile est confiée à Alain Chemama, doyen des juges d'instruction à Nice pour soustraction de document et recel de preuves[101],[102]. Le , le doyen reçoit les frères Paoli et Me Sollacaro afin de les entendre[103].
En , Mathieu Paoli, président de l'AFVCCAN, déclare que le rapport final de la commission d'enquête est constitué de « vingt maigres pages truffées d'erreurs »[8].
Le , Jean-Michel Prêtre, procureur de la République de Nice, confirmant que plusieurs demandes de levée de secret ont été adressées à différents ministères, déclare : « Je ne sais pas ce qui pourrait être trouvé, peut-être des choses concernant les forces françaises, ou des forces étrangères. Il y a eu des manœuvres exécutées en même temps par au moins trois marines, donc il peut y avoir des intérêts qui (…) nécessitent qu'un secret soit gardé[104] ».
Le , Alain Chemama reçoit Mathieu et Louis Paoli, accompagnés de Maître Paul Sollacaro. À l'issue de l'entretien, Paul Sollacaro déclare : « Le juge d'instruction a confié à la famille que la thèse du missile, qui serait donc à l'origine du crash, et qu'elle soutenait depuis 50 ans, était très sérieuse. Il l'a d'ailleurs inscrit sur procès-verbal[105] ».
Le , Paul Sollacaro, avocat des familles déclare : « Ni argent, ni réparation, seulement nous voulons que l’État reconnaisse qu'il y a bien eu un exercice de tir le en Méditerranée au large d'Antibes »[106].
Le , Maryline Nicolas juge d'instruction reçoit Mathieu et Louis Paoli avec Maître Paul Sollacaro pendant 2 heures afin de faire le point des investigations en cours dans l'instruction[107].
Le 14 octobre 2022, Maryline Nicolas, juge d'instruction a reçu Mathieu et Louis Paoli Président et secrétaire de l'AFVCCAN avec Maître Paul Sollacaro pendant 2 heures afin de faire le point sur les nouveaux éléments de l'instruction notamment les témoignages et d'entendre d'autres témoins.
Le , au Sénat, Jacques Peyrat, sénateur-maire de Nice, pose une question écrite au Premier ministre sur le crash de la caravelle Ajaccio-Nice en lui demandant de bien vouloir examiner une levée du secret défense en lui faisant part de l'hypothèse du missile[108]. Sans réponse, il réitère sa question le [109].
Le , Louis Paoli adresse un courrier (référence 00R5215 n° DEF/CAB/CC4) à la ministre de la Défense Michèle Alliot Marie sur les circonstances de l'accident de la caravelle Ajaccio-Nice et la demande de la levée du Secret défense. En réponse, la ministre écrit : « le secret de la défense nationale ne vous a jamais été opposé, et le cas échéant comme je m'y suis engagé envers vous, j'envisagerai sa levée dans l'intérêt de la manifestation de la vérité. S'agissant de l'hypothèse que vous évoquez, celle d'un tir de missile, j'observe que ni l'information judiciaire, ni l'enquête administrative n'ont jamais pu l'accréditer en quoi que ce soit. Il vous appartient si vous l'estimez utile de saisir l'autorité judiciaire pour envisager une reprise de l'information pour charges nouvelles ». En 2008, l'association des familles des victimes saisit l'autorité judiciaire avec des éléments accréditant la thèse du missile. 11 années se sont écoulées, et le , Alain Chemama, doyen des juges d'instruction de Nice et directeur de l'enquête judiciaire, reconnaît que la thèse du missile est très sérieuse et demande la levée du secret défense[110].
Le , le député et président du Conseil exécutif de la Corse, Paul Giacobbi, écrit un courrier à Nicolas Sarkozy, président de la République, afin d'appeler son attention sur
« Un épisode tragique de l'histoire contemporaine de la Corse mais également de l'histoire aéronautique de notre pays. […] Plus de quarante ans après cette effroyable tragédie, les familles des victimes sont placées dans l'ignorance des circonstances précises du drame et surtout de ses causes. Une enquête bâclée où se sont succédés [sic][111] trois juges d'instruction avec un incendie d'origine indéterminé alors que des témoignages concordants accréditaient plutôt la thèse d'un tir de missile de l'Armée […], je souhaiterais que l'État engage des recherches en mer en particulier la récupération des deux réacteurs. Ainsi, pour la première fois dans ce dossier, l'État aura l'occasion de prouver qu'il n'a rien à craindre, ni à cacher[112] »
Le , le député-maire d'Ajaccio Simon Renucci pose une question écrite à l'Assemblée Nationale au ministre des Transports sur la levée du secret défense pour dissiper ou confirmer les doutes qui pèsent sur l'Armée à la suite d'un tir de missile comme étant à l'origine du crash de la caravelle. Dans sa réponse, le ministère reprend les conclusions du rapport d'enquête en rappelant que celui-ci écartait « en particulier l'hypothèse d'une collision avec un missile qui aurait, selon toute vraisemblance, causé des dommages majeurs à la structure de l'avion et l'aurait rendu incontrôlable presque instantanément. Or, l'avion a poursuivi son vol pendant plus de trois minutes après que le pilote ait annoncé « on a le feu à bord »[113]. »
Le , le président de la République Emmanuel Macron a répondu à la lettre de Gilles Simeoni, président du Conseil exécutif de Corse, relatant le drame de la caravelle Ajaccio-Nice et la demande de l'association des familles des victimes sur la levée du secret défense concernant un certain nombre de documents civils et militaires.
Le , le chef de l'État a répondu à la lettre de Mathieu Paoli, président de l'AFVCCAN, concernant la demande sollicitée de la levée du secret défense sur les opérations militaires réalisées le jour du crash dans le sud-est de la France et la déclassification de tous les documents civils et militaires liés à cet incident. La lettre présidentielle se termine par une conclusion notable : « Je peux vous dire néanmoins qu'il m'apparaît évident que tous les moyens doivent être mis en œuvre pour comprendre les causes de ce drame et qu'aucun obstacle ne devra être opposé à l'établissement de la vérité ».
Après 3 ans d'enquête menée par la Gendarmerie de Nice et constatant que l'hypothèse du missile était très sérieuse, Alain Chemama demande officiellement le au Premier ministre Édouard Philippe[114] la déclassification des documents civils et militaires liés à la catastrophe ainsi que la levée du secret défense sur tous les exercices militaires du dans le sud-est de la France. Alain Chemama veut accéder à des documents précis classés « Secret Défense » afin de faire toute la manifestation de la vérité et finaliser l'action judiciaire[115],[116],[117],[118].
Le , Marine Brenier, députée des Alpes-Maritimes, demande au ministère des Armées d'intervenir au CSDN afin d'obtenir la levée du secret défense[119].
Le , le maire de Nice Christian Estrosi, le maire d'Ajaccio Laurent Marcangeli, le président de la région Provence Alpes Côte d'Azur Renaud Muselier, le président du Conseil exécutif de Corse Gilles Simeoni et le président de l'Assemblée de Corse Jean-Guy Talamoni, ont adressé solennellement une lettre à Emmanuel Macron pour lui demander de solliciter la ministre des Armées, Florence Parly, en vue d'ordonner la levée du secret défense. Dans sa réponse — qu'il conclut en écrivant : « Soyez certain que je partage votre volonté que la lumière soit faite sur cette tragédie. Nous le devons aux victimes et à leurs familles. » —, le président rappelle que « Le ministère des Armées a été saisi le 6 juillet dernier d'une requête aux fins de déclassification. Cette demande est actuellement examinée avec l'objectif de répondre de la meilleure des façons[120] ».
Le , le député de la Corse-du-Sud Paul-André Colombani demande à Florence Parly les conditions dans lesquelles elle entend mettre en œuvre la levée du secret défense dans l'affaire du crash de la caravelle Ajaccio-Nice et lui rappelle le courrier d'Emmanuel Macron adressé à Gilles Simeoni le [121].
Le , le président de la République Emmanuel Macron a répondu à la lettre solennelle du de Christian Estrosi, Laurent Marcangeli, Renaud Muselier, Gilles Siméoni et Jean-Guy Talamoni souhaitant la levée du secret défense. Dans sa réponse, le chef de l'État déclare que « la ministre des armées a ordonné de nouvelles investigations afin d'identifier de potentiels documents qui n'auraient pas pu être intégrés au dossier jusqu'ici. La commission du secret de la défense nationale sera évidemment saisie par le ministère si des documents d'intérêts classifiés venaient à être découverts »[122],[123].
Le , Mathieu Paoli, président de l'AFVCCAN, a adressé une lettre à Emmanuel Macron, afin qu'il intervienne en tant que Chef des armées pour faire lever le secret défense après la reconnaissance par la justice de la thèse de l'impact d'un missile non armé[124].
Le , Christian Estrosi et Laurent Marcangeli, maires de Nice et d'Ajaccio, publient une tribune pour soutenir les familles des victimes sur la levée du secret défense : « un demi-siècle de thèses divergentes et d'investigations vacillantes systématiquement retranchées derrière l'inébranlable "secret défense". La revue de presse n'est pas glorieuse de la destruction de preuves aux incohérences d'une enquête qui s’essouffle, les journaux ont fait état de toutes les turpitudes (…) le caractère invraisemblable des innombrables épisodes judiciaires a au moins permis à cette tragédie d'avoir un écho important dans la presse. Les maires de Nice et d'Ajaccio en appellent : « à la dignité d'un pays tout entier pour, enfin, permettre aux familles de faire le deuil. 51 ans de mutisme, pour ne pas dire d'indifférence de l’État (…) la raison d’État, le secret défense ne sauraient être des alibis plus longtemps (...) Combien de temps encore allons-nous bafouer le souvenir de nos disparus ? Car, si les familles ne sont plus dans l'attente, elles sont désormais dans la supplique. Elles ne renonceront jamais »[125].
Le , Patrick Strzoda, directeur de cabinet du président de la République, adresse une lettre à Mathieu et Louis Paoli, respectivement président et secrétaire de l'AFVCCAN, afin de les recevoir au Palais de l'Élysée : « Je vous propose, si vous le souhaitez de vous recevoir avec madame Hélène Davo, conseillère justice, et le commissaire Jérôme Theillier, adjoint au chef de l'État-Major particulier[126]. »
Stéphane Nésa, avocat des familles déclare le : « la théorie du feu était un non-sens car cela a été discrédité depuis 45 ans. C'est complètement et techniquement impossible. Le juge d'instruction a écrit au gouvernement pour lui demander de lever le classement du « secret défense » mais cela fait plus d'un an et nous n'avons reçu aucune réponse. Plus le gouvernement reste en place de la sorte, plus nous sentons qu'il ne veut pas établir la vérité plus de 50 ans après les faits (…) les familles ne veulent pas d'argent. Ils veulent savoir la vérité.»[127].
Le 10 septembre 2019, Emmanuel Macron répond favorablement à la requête et demande à la ministre des Armées, Florence Parly, de saisir la commission de la défense nationale afin d'obtenir la levée du secret-défense sur des documents classifiés[128],[129] qui pourraient indiquer si un missile est en cause ou non.
Concernant la levée du secret défense, Patrick Strzoda, directeur de cabinet du chef de l'État, reçoit le , Mathieu et Louis Paoli, membres de l'AFVCCAN avec Paul Sollacaro et Stéphane Nésa, avocats de l'association[130]. Après l'entretien de 2 heures au Palais de l'Élysée, Mathieu Paoli déclare : « nous avons été très bien reçus par Patrick Strzoda, […] j'ai clairement ressenti de la part de l'Élysée le vœu politique de faire avancer l'action pour s'aligner sur la justice. […] La justice va continuer son travail et si le déroulé de l'examen implique la déclassification de certaines pièces, je pense qu'il n'y aura pas d' obstruction. […] Nous sommes satisfaits car nous avons été écoutés tant et si bien que nous croyons réellement à une action significative de l'Élysée. »[131].
En plus de la levée du secret défense, les frères Paoli ont demandé une plongée sous-marine sur les restes de l'épave comme pour le sous marin la Minerve. Mathieu Paoli, président de l'AFVCCAN, pointe une évolution symbolique lors de la cérémonie du à Ajaccio : le directeur de cabinet du Chef de l'État doit déposer une gerbe au nom du Président de la République[132].
Le , Xavier Bonhomme, procureur de le République de Nice, reçoit pendant 1 heure les frères Paoli avec un de ses avocats Paul Sollacaro. Mr Bonhomme déclare « Je les ai assurés, en ce qui me concerne de ma détermination et de ma volonté de faire avancer ce dossier. Et il avance. Notre rôle est de tout faire pour obtenir la manifestation de la vérité, pour comprendre ce qui a pu se passer » Mathieu Paoli , président de l'AFVCCAN a récemment demandé une plongée sous-marine sur les restes de l'épave et de voir si le réacteur gauche s'y trouve car dans le dossier pénal c'est le réacteur gauche qui a été touché par un missile d'exercice[133].
Le , le président de la République décide d'assouplir le secret-défense autour des archives classifiées de plus de 50 ans. Le crash de la caravelle est parmi les dossiers déclassifiés par Emmanuel Macron[134].
Le , Mathieu Paoli, président de l'association des familles des victimes, a écrit une lettre au président de la République afin de connaître l'évolution exacte du dossier sur la demande de déclassification des documents couverts par le secret défense promis le et sur l'étude de l'opération de plongée sur l'épave (photos sous-marines) demandée par l'AFVCCAN. Dans sa missive, Mathieu Paoli souligne que « la politique doit maintenant s'aligner sur la justice »[135].
Le , Patrick Strozda directeur de cabinet d'Emmanuel Macron, a répondu à la lettre du de Mathieu Paoli, président de l'AFVCCAN, en lui indiquant que « le Président de la République est attentif et pleinement conscient de connaître les circonstances en acte du drame » et précise « la déclassification « au carton » de documents de plus de 50 ans couverts par le secret de la défense nationale valant pour cet accident est déjà appliquée. Dès la promulgation du projet de loi relatif à la prévention d'actes de terrorisme et au renseignement qui est en cours au Parlement, les documents classifiés à ce dossier seront automatiquement communicables » et Mathieu Paoli déclare : « malgré tout ce que nous vivons, les preuves qui s'accumulent et qui démontrent que notre démarche a toute sa légitimité, nous avons toujours fait preuve de la plus grande correction, mais je vais vous dire : on en a assez d'être gentils »[136].
Le à Nice au cours du 53e anniversaire de la commémoration de la tragédie, de nombreuses gerbes sont déposées devant la stèle et pour la première fois le préfet des Alpes-Maritimes Bernard Gonzalez a déposé une gerbe de fleurs au nom du président de la République Emmanuel Macron. Mathieu Paoli, président de l'AFVCCAN, apprécie le geste mais déclare : « la gerbe de fleurs du Président de la République est un geste fort malgré qu'on n'ait jamais été reçu par lui, il parle de déclassification mais on voudrait voir les documents, donc on a rien de concret sur la levée du secret défense »[137]À propos de la gerbe du président de la République, Christian Estrosi, maire de Nice, a déclaré « c'est un geste fort et le dossier est en bonne voie »[138].
Le , la motion de demande de levée du secret défense déposée par Romain Colonna, conseiller territorial, a été votée à l'unanimité par l'assemblée de Corse[139].
Une stèle est érigée à Nice en mémoire des 95 disparus[38], ainsi qu'une chapelle au cimetière marin d'Ajaccio. Une plaque est aussi installée à la chapelle de la Garoupe au cap d'Antibes. Rendant hommage aux 95 victimes, une commémoration anniversaire a lieu chaque année le en l'église Sainte-Hélène de Nice, puis à la stèle et également en Corse, devant la chapelle située au cimetière marin d'Ajaccio.
Depuis plusieurs décennies, le poème Souvenirs éternels est lu lors des cérémonies rendant hommage aux 95 victimes.
Depuis le , Louis Paoli avec l'aide de Yohan Guimbeau enrichissent régulièrement l'article de Wikipédia sur la caravelle Ajaccio - Nice pour la mémoire universelle.
: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.