Le Concorde est un avion de ligne supersonique conçu conjointement par Sud-Aviation (devenue par la suite Aérospatiale puis Airbus) et British Aircraft Corporation (devenue ensuite British Aerospace), en service de 1976 à 2003 chez British Airways et Air France.
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Concorde | ||
Un Concorde d'Air France à l’atterrissage à l'aéroport international du Kansai au Japon, en 1994. | ||
Rôle | Avion de ligne supersonique | |
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Constructeur | • Sud-Aviation • BAC |
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Équipage | 3 navigants techniques et 6 navigants commerciaux | |
Premier vol | ||
Mise en service | ||
Retrait | ||
Production | 20 exemplaires (dont 6 non commerciaux) | |
Années de production | 1965–1979 | |
Dimensions | ||
Longueur | 61,66[1] m | |
Envergure | 25,60[1] m | |
Hauteur | 12,19[1] m | |
Aire alaire | 358,25[1] m2 | |
Masse et capacité d'emport | ||
Max. à vide | 79,3[2] t | |
Max. au décollage | 185,1[2] t | |
Max. à l'atterrissage | 111,1[2] t | |
Kérosène | 119 500[2] l | |
Passagers | 100 passagers en version commerciale | |
Fret | 4,35 t[2] | |
Motorisation | ||
Moteurs | 4 turboréacteurs Rolls-Royce/Snecma Olympus 593 Mk.610[3] | |
Poussée unitaire | 169,3[4] kN | |
Poussée totale | 677 kN | |
Performances | ||
Vitesse de croisière maximale | 2 145[4] km/h (Mach 2,02[4]) | |
Vitesse maximale | 2 369[4] km/h (Mach 2,23[4]) |
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Autonomie | 6 200 km | |
Altitude de croisière | 16 000 à 18 000 m | |
Vitesse ascensionnelle | 25,41 m/s | |
Charge alaire | 440 kg/m2 | |
Rapport poussée/poids | 0,373 | |
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Sa vitesse de croisière est de Mach 2,02 à une altitude variant de 16 000 à 18 000 mètres, soit environ 2 145 km/h. Doté d'une aile delta dite « gothique » et de turboréacteurs à postcombustion, développés initialement pour le bombardier britannique Avro Vulcan, il fut le premier avion civil à être équipé de commandes de vol électriques analogiques.
Les vols commerciaux commencèrent en 1976 et prirent fin 27 ans plus tard, en 2003. La forte consommation de carburant de l'appareil avait rendu son exploitation déficitaire. Son déclin fut précipité par l'accident du vol 4590 d'Air France en , unique accident majeur d'un Concorde, qui entraîna la mort de 113 personnes.
Confiné à des liaisons survolant principalement les mers et océans, à cause du bang supersonique, peu apprécié des populations des villes et villages survolés et exploité par deux compagnies seulement, l'appareil ne fut produit qu'à vingt exemplaires, dont six non commerciaux pour essais et mise au point. Cependant, il fut l'un des moteurs importants du développement technologique et stratégique européen, il eut en plus un fort impact culturel. Avec le Tupolev Tu-144 (lequel n'a transporté des passagers que durant quelques mois), il fut le seul avion supersonique de transport de voyageurs à avoir été exploité pendant une assez longue période.
Encouragés par les progrès de l’aviation supersonique depuis le franchissement du mur du son par Charles Yeager et son Bell X-1 en 1947, américains, soviétiques, anglais et français se lancent dans une course au premier avion supersonique commercial à la fin des années 50[5].
L'entreprise française Sud-Aviation et l'entreprise britannique Bristol Aeroplane Company développèrent respectivement leurs supersoniques Super-Caravelle et Bristol 223. Ces derniers étaient financés par leurs gouvernements respectifs, ceux-ci tenant à contrer la domination aérienne américaine. Dans les années 1960, les deux projets étaient déjà bien avancés, mais les énormes coûts de développement des appareils amenèrent les États à faire collaborer les deux entreprises[6]. Le développement du Concorde fut donc plus un accord international franco-britannique qu'un accord commercial entre les constructeurs. Le traité de coopération, dont les discussions durèrent environ un an, fut signé le [6] par Geoffroy de Courcel, ambassadeur de la France en Grande-Bretagne et Julian Amery, ministre britannique de l'Aviation.
British Aircraft Corporation (BAC) et Sud Aviation se partagèrent les coûts de l'appareil, Bristol Aero Engines (racheté par Rolls-Royce en 1966) et SNECMA firent de même pour développer le turboréacteur dérivé du Bristol Olympus. Les Britanniques voulaient un modèle long-courrier (transatlantique) alors que les Français voulaient un moyen-courrier. Le , à la suite des élections générales britanniques du qui conduisent à la victoire du parti travailliste, le Royaume-Uni se retire du projet, mais fait volte-face deux mois plus tard.
Le , le président français Charles de Gaulle suggéra que l'avion soit baptisé « Concorde » et, le , une première maquette grandeur nature du « Concord » sans « e » fut présentée ; une polémique s'ensuivit sur le nom de l'avion. Le ministre britannique de la Technologie Tony Benn mit fin à la polémique en annonçant : « Le Concord britannique s'écrira désormais avec un « e » car cette lettre signifie aussi Excellence, England, Europe et Entente »[7].
Les travaux d’étude débutèrent l’année suivante, conjointement dans les bureaux de la BAC et de Sud Aviation. Un cahier des charges fut défini, et se voulait très innovateur : l’avion devait être capable de voler à plus de Mach 2.0, en emportant 70 passagers minimum sur une liaison transatlantique. Il faut dire qu’il était alors en concurrence directe avec le Boeing 2707, le Lockheed L-2000 et le Tupolev 144
L’opinion publique reste d'abord dubitative quant à la conception d’un avion de ligne supersonique, seulement 4 ans après la mise en service de la Caravelle.
Selon le cahier des charges, Concorde allait être le premier avion civil au monde à disposer de commandes de vol électriques et analogiques, de turboréacteurs à postcombustion, d’un pilote automatique et d’une aile néogothique développée par l’ONERA en France. C’est d’ailleurs ce même organisme qui assurera toutes les études aérodynamiques du fuselage et des ailes grâce à des maquettes et une soufflerie supersonique. Tous les plans étaient alors entièrement dessinés à la main, parfois en échelle 1:1. Le principal outil de calcul et de simulation sera l'ordinateur CDC 3600 du centre de calcul de Courbevoie de Sud-Aviation qui sera connecté à des machines-outils à commande numérique fonctionnant dans l’usine toulousaine de l’avionneur[8].
C’est également un des premiers programmes aéronautiques au monde à bénéficier d’un simulateur de vol pour l’entrainement des équipages d’essais.
Beaucoup d'améliorations technologiques très communes dans les avions de ligne actuels furent utilisées pour la première fois avec le Concorde.
Le Concorde fut le premier avion civil à disposer de commandes de vol entièrement électriques et analogiques : en vol supersonique se produisait une augmentation importante de température sur la cellule, ce qui provoquait l'allongement du fuselage[9]. Comme une transmission par câbles aurait été trop compliquée, on a opté pour des commandes entièrement électriques. Toujours pour la même raison, l'avion disposait de turboréacteurs reliés en « thrust-by-wire », ancêtres des turboréacteurs actuels contrôlés par FADEC.[réf. nécessaire]
Le pilote automatique permettait une gestion automatique de la puissance — un dispositif plus connu de nos jours sous le nom d'« auto-manette » —, autorisant un contrôle « mains libres » (ou hands off) de l'avion de la montée initiale à l'atterrissage.
L'électricité à bord était produite par des IDG (Integrated Driving Generator), prédécesseurs et de même technologie que ceux montés sur les avions actuels (Airbus et Boeing). Le Concorde disposait de trois circuits hydrauliques à haute pression de 28 MPa (soit 4 000 PSI) pour les composants légers à circuits hydrauliques utilisant un liquide hydraulique à huile synthétique (M2 V) résistant à la température.
Pour le freinage, le Concorde était équipé d'un système SPAD (acronyme de « Système perfectionné anti-dérapant ») de contrôle de glissement, c'est-à-dire de l'écart de vitesse entre roues freinées et roues non freinées. Par rapport au principe de contrôle de la décélération angulaire des roues freinées, ce système permettait de réduire les distances d'arrêt de 15 % sur sol sec et d'améliorer la sécurité sur sol mouillé. Ce système a été repris par Airbus et sur les avions militaires français à partir du Mirage F1. Le système de freinage était contrôlé électriquement. Une commande agissait sur une servovalve faisant interface entre la consigne électrique d'entrée et la grandeur hydraulique (débit ou pression) agissant sur les freins hydrauliques. Ce système remplaçait les commandes classiques hydromécaniques, plus lourdes et plus complexes à installer. Ce système a été complété sur les avions d'Airbus par l'orientation de la roue avant sur l'A320. Des disques de freins en carbone ventilés offraient un gain de masse de 500 kg par rapport à des disques en acier, ainsi qu'une meilleure tenue à l'échauffement[réf. nécessaire].
Le rééquilibrage des masses (gestion du centrage) permettait une optimisation des performances. Pendant toutes les phases de vol, le carburant était déplacé entre les divers réservoirs afin de positionner au mieux le centre de gravité par rapport au centre de poussée dans la phase de vol concernée (centrage avant en subsonique, centrage arrière pour le vol supersonique)[réf. nécessaire].
Des pièces étaient usinées à partir d'une ébauche unique (et non issues d'un assemblage), ce qui permettait de réduire la masse et la nomenclature des composants. Les gouvernes de direction et élevons étaient constitués de matériaux composites. Toutefois, il s'est révélé que le vieillissement du matériau entraînait des pertes partielles de gouvernes, particulièrement de direction.
Certaines de ces nouveautés technologiques avaient vingt ans d'avance. Si les coûts de conception étaient élevés, cela a toutefois permis aux constructeurs aéronautiques français et anglais de rester dans la course avec les États-Unis, puis de créer Airbus. Nombre de ces améliorations sont maintenant des standards dans les avions de ligne actuels.
Pour atteindre des vitesses supersoniques, il fut décidé que le Concorde utiliserait une version modifiée du Bristol BE10 Olympus, turboréacteur à double flux avec postcombustion qui équipait alors le bombardier stratégique anglais Avro Vulcan et le chasseur TSR.2. Rolls-Royce Plc, alors propriétaire du groupe Bristol Engines, s’associa à la SNECMA pour développer l’Olympus 593 destiné à être monté sur le Concorde.
En effet, l’association des 2 groupes n’en était pas à son premier coup d’essai :
- En 1922, SNECMA (alors appelée Société des Moteurs Gnôme et Rhône) avait acquis une licence afin de construire le moteur en étoile Bristol Jupiter.
- En 1951, la SNECMA avait à nouveau signé un accord pour fabriquer sous licence le moteur à piston sans soupapes appelé « Hercule », destiné à l’avion Nord 2501 « Noratlas ».
- A l’inverse, Bristol acheta une licence SNECMA concernant le brevet de l’inverseur de poussée, en échange d’une licence de production du réacteur Orpheus, qui sera monté sur l’Étendard VI.
La répartition du travail de chaque société fut ainsi la suivante : Rolls Royce se chargeait de développer un nouveau réacteur de performances basé sur le BE 10 Olympus tandis que SNECMA se chargeait d’y adapter une postcombustion, un canal d'éjection à tuyère variable, un ensemble d'éjection secondaires incluant un dispositif d'inversion de poussée et un silencieux rétractable.
Le moteur qui en découla et qui fut monté sur les Concordes de série fut le Rolls-Royce/SNECMA Olympus 593, équipé des tuyères SNECMA Type 28.
L'assemblage d'un premier prototype, Concorde 001, débuta à Toulouse en et l'avion sortit des hangars le sous l'immatriculation F-WTSS, « TSS » signifiant « Transport SuperSonique ». Au moins une section fut construite en Grande-Bretagne, puis acheminée à Toulouse via Cherbourg dans un des ferries de la compagnie Townsend Thoresen : le jeu entre le colis et la porte du ferry n'excédait pas 10 cm de chaque côté. Un second prototype, immatriculé G-BSST, sort des chaînes le suivant. L'avion est présenté officiellement, le . Il est ensuite présenté à la population toulousaine le .
Ces prototypes ne voleront pas immédiatement, subissant pendant plusieurs mois des essais au sol, essentiellement de commandes de vol, de motorisation (point fixe), des systèmes de pressurisation de la cabine, et les essais de fatigue de la structure. Il fera également plusieurs essais de roulage volontairement interrompus pour tester l’efficacité des barrières de fin de piste.
Le premier vol d'essai de Concorde 001 eut lieu au-dessus de Toulouse, le .
L’évènement est sans précédent. Pourtant reporté de trois jours en raison d’une mauvaise météo, plus de 400 journalistes de tous les pays se ruent autour de l’avion, et des milliers de spectateurs s’amassent dans les gradins et les champs aux alentours de l’aéroport pour espérer le voir enfin s’envoler. À 15 h 38, l’équipage composé des pilotes d’essai André Turcat et Jacques Guignard, de l’ingénieur Henri Perrier et du mécanicien navigant Michel Rétif reçoit l’autorisation de décollage. Les chaines de télévisions retransmettent l’évènement en direct. Après une course de 1 500 m, Concorde décolle à la vitesse de 180 kt, avec un angle de dix degrés. Il monte à l’altitude de 9 000 pieds, ou il rejoint un Gloster Meteor et un MS Paris II, chargés de filmer l’évènement. Ayant reçu l’ordre de ne pas actionner le nez ni les trains pour éviter une éventuelle panne hydraulique, le pilote ne dépassera pas la vitesse de 290 kt. Au cours du vol, il va procéder à des essais de gouvernes, changements d'altitude et de vitesse. Après 27 min de vol, il se présente en finale à 170 kt, toujours escorté par les chasseurs français. Il se pose en douceur, freine grâce au parachute d’empennage, et rejoint le parking, où les journalistes se ruent pour interviewer l’équipage. Turcat déclarera en sortant de l’avion : « la machine vole, et je peux ajouter qu’elle vole bien ! »
Le prototype 001 fut rejoint pour les essais par Concorde 002, qui vola pour la première fois un mois plus tard, le depuis le Bristol Filton Airport (en)[10].
Ces vols donnent ainsi le coup d'envoi au plus long programme d'essai de toute l'histoire de l'aéronautique civile.
Concorde effectua sa première entrée dans le domaine supersonique le au cours du 45e vol, piloté par Jean Pinet. Le , au cours de son 102e vol, il atteignit Mach 2, vitesse qu'il maintient pendant une durée de 52 minutes[11]. Le programme d'essais en vol se déroulant sans incident, cette version de développement commence les démonstrations destinées au grand public le . Deux appareils de préproduction sont également construits pour les essais, en plus des prototypes. Le premier (no 101) est construit à Filton ; il intègre plusieurs modifications par rapport aux prototypes, dont une voilure plus grande, de 25,6 m d'envergure, un fuselage rallongé et une verrière sur le nez à la place des hublots. Le second appareil (no 102), de construction française, est le premier à avoir l'aspect et les dimensions des futurs avions de série ; le cône de queue est allongé, portant la longueur totale à 61,66 m, et les tuyères 28 à coquilles sont équipées pour la première fois. Les deux premiers avions de série sont également engagés dans le programme d'essais, le premier d'entre eux vole le .
Au cours des essais, Concorde établit des records de vitesse et d'altitude. Le , Concorde 001 atteint une altitude de 68 000 pieds, soit plus de 20 700 mètres. Le record de vitesse est établi le à Mach 2,23 par Concorde 101.
En , peu avant d'être retiré des vols, le prototype 001 est équipé d'appareils de mesure afin de suivre une éclipse de Soleil totale. Le vol a lieu le , entre l'aéroport de Gran Canaria (îles Canaries) et Fort-Lamy (maintenant N'Djaména) capitale du Tchad, avec André Turcat aux commandes. L'avion vole à plus de Mach 2,05, à plus de 17 000 mètres d'altitude, et reste ainsi dans l'ombre en suivant l'éclipse pendant 74 minutes[6],[12].
Les essais des Concorde enregistrent plus de 5 000 heures de vol[13] sans trop de problèmes, les appareils de présérie et les deux premiers avions de série servant à terminer la mise au point, notamment des entrées d'air. Au total, plus de 2 000 heures de tests sont réalisées à vitesse supersonique[14]. Avec autant d'heures d'essais, le Concorde est testé environ quatre fois plus longtemps qu'un avion commercial subsonique moyen ou long-courrier[réf. nécessaire]. « Malgré sa construction relativement simple, le Concorde est de loin l'avion civil le plus cher qui ait jamais été construit[15]. »
En l'absence de toute étude de marché, le consortium estime un potentiel de commandes de plus de cent avions, passées par les principales compagnies aériennes de l'époque. En 1967, un volume global de 69 commandes (plus vraisemblablement des options) est annoncé[16]. Cinq commandes fermes d'appareils sont effectuées par British Airways le , la compagnie aérienne devenant ainsi le premier client de l'avion. Le , le second prototype 002 effectue des démonstrations au Moyen-Orient et en Extrême-Orient. Celles-ci se concluent par un nombre important de commandes pour l'avion, 74 commandes ou options étant prévues par seize compagnies aériennes, dont huit nord-américaines.
Client | Options | Signature | Annulation | |
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Panair do Brasil | 3 | octobre 1961 | 10 février 1965 | |
Pan Am | 6 | 3 juin 1963 | 31 janvier 1973 | 2 options suppl. en 1964 |
Air France | 6 | 3 juin 1963 | 2 options suppl. en 1964 | |
BOAC | 6 | 3 juin 1963 | 2 options suppl. en 1964 | |
Continental Airlines | 3 | 24 juillet 1963 | mars 1973 | |
American Airlines | 4 | 7 octobre 1963 | février 1973 | 2 options suppl. en 1965 |
TWA | 4 | 16 octobre 1963 | 31 janvier 1973 | 2 options suppl. en 1965 |
MEA | 2 | 4 décembre 1963 | février 1973 | |
Qantas | 6 | 19 mars 1964 | 2 annulée en mai 1966 | |
Air India | 2 | 15 juillet 1964 | février 1975 | |
Japan Airlines | 3 | 30 septembre 1965 | 1973 | |
Sabena | 2 | février 1973 | ||
Eastern Airlines | 2 | 28 juin 1966 | février 1973 | 2 options suppl. en 2 autres options suppl. le 28 avril 1967 |
United Airlines | 6 | 29 juin 1966 | 26 octobre 1972 | |
Braniff International | 3 | février 1973 | ||
Lufthansa | 3 | avril 1973 | ||
Air Canada | 4 | 6 juin 1972[17] |
Avant même le choc pétrolier, les coûts de conceptions et d'achats du supersonique explosent. Jean-Jacques Servan-Schreiber en 1971 parle de « Vietnam industriel »[18] et quelques voix dissidentes font état que les 11 milliards de francs investis pour le développement seront difficilement rentabilisés, en plus des problèmes touchant à la viabilité de la liaison transatlantique[19]. Cependant, à partir de 1973, une combinaison de nombreux facteurs négatifs causent l'annulation de la presque totalité des commandes en option. Parmi ceux-ci, les plus importants sont le premier choc pétrolier d', les difficultés financières des compagnies aériennes, l'absence de soutien du projet en Amérique du Nord, l'accident du Tupolev 144 au salon du Bourget, concurrent direct soviétique[20],[21], et les problèmes environnementaux, comme les fumées sortant des réacteurs au décollage en postcombustion et le bruit généré par le passage d'un aéronef en régime supersonique[6] (bang sonore caractéristique). Finalement, Air France et British Airways restent les seuls acquéreurs de l'avion.
Parmi les autres projets d'avions de ligne supersoniques proposés, seul le projet soviétique aboutit. Le Tupolev Tu-144 est prévu pour transporter 140 passagers à la vitesse de Mach 2. Le prototype soviétique effectue son premier vol le à la base de Joukovski, près de Moscou[réf. nécessaire], mais n'est finalement vendu qu'à Aeroflot. Leur principal opposant américain, le Boeing 2707, projet techniquement plus audacieux muni d'une cellule en titane et d'une voilure à géométrie variable, est sélectionné en 1966 par le Congrès américain face au Lockheed L-2000. Il doit être capable de transporter 300 passagers à une vitesse proche de Mach 2,7. Cependant, face à de grandes difficultés techniques et de fortes oppositions politiques et environnementales, le projet est annulé cinq ans plus tard, en 1971[22].
À la suite de cette décision, l'Administration Fédérale Aéronautique (FAA) interdit le survol du territoire américain à vitesse supersonique pour les avions civils, ce qui contribua à l'annulation des commandes de Concorde par les compagnies nord-américaines[23].
Les deux compagnies aériennes européennes restantes française et anglaise, commencèrent les vols de démonstration et d'essais vers diverses destinations à partir de 1974. Le Concorde reçut son certificat de navigabilité le de l'année suivante[24]. Toulouse, en France, et Filton, au Royaume-Uni, furent les deux seuls centres de production des appareils.
Les premiers associés, BAC (qui devint BAE Systems) et Aérospatiale (qui devint EADS), étaient les copropriétaires de Concorde. La responsabilité se vit ensuite transférée à Airbus, lorsque l'entreprise qui regroupa BAE Systems et EADS fut fondée[réf. nécessaire].
Dès les premiers vols commerciaux du Concorde en 1976, Aérospatiale proposa de développer une version B, pour réduire le bruit de l'avion et porter sa distance franchissable de 6 800 à 7 500 km (le projet initial français, dénommé Super Caravelle, avait un rayon d'action de 4 500 km). Cela entraînait diverses modifications.Au plan aérodynamique, l'envergure est augmentée pour améliorer la finesse, des becs de bord d'attaque sont montés pour augmenter la portance et réduire l'assiette de l'avion aux basses vitesses. La finesse passerait ainsi de 3,9 à 4,2 au décollage, de 5 à 5,5 en montée, de 11,5 à 12,9 en vol subsonique (Mach 0,93) et de 7,1 à 7,7 en vol supersonique. Au plan des moteurs, des modifications internes augmentent la poussée à basse vitesse, la réchauffe (postcombustion) est supprimée, la consommation est réduite, notamment entre Mach 1,2 et 1,7 (-20 %), le bruit est réduit.
Le programme n'est jamais lancé, en raison de l'absence de commandes[25].
Le premier vol commercial eut lieu le , sous la forme de deux vols simultanés[26] organisés par les deux pays partenaires :
Ce double vol inaugural fut retransmis à la télévision dans le monde entier en direct[29]. En France, la chaîne TF1 retransmit en direct les différentes étapes des vols tout au long de la journée : le journal de 13h de TF1 fut dédié au décollage de Paris[30] et Londres. Les programmes sont interrompus à 15h30 pour l'atterrissage du Concorde Air-France à Dakar, puis au journal de 20h pour l'arrivée en direct à Rio de Janeiro[31].
Jusqu'en 1982, les destinations pour Air France étaient : Rio de Janeiro, Caracas, Dakar, Mexico, Washington, Dallas et New York.
À partir de 1983, pour rentabiliser au maximum son supersonique, la compagnie réduisit ses vols à la seule destination de New York, assurant cependant, en plus, des vols spéciaux appelés charters et des tours du monde. Le temps de vol moyen sur l'un ou l'autre des itinéraires était d'environ trois heures et demie. Jusqu'en 2003, Air France et British Airways ont assuré des liaisons quotidiennes avec New York.
Concorde a desservi la Barbade[34] pendant la saison de vacances d'hiver et à partir de 1984, British Airways a transporté, dans le cadre de ses vols charter / tour du monde, des touristes à destination du cercle polaire vers Rovaniemi en Finlande[35],[34] mais a également parrainé les vols d'enfants atteints du cancer, car le village du père Noël y a été construit dans les années 1980.
En 1972, un Concorde se pose à Singapour lors de son vol de promotion[36]. Provenant de Bangkok, il y a fait escale devant une large foule[36]. Singapour est une escale idéale, l'idée étant de pouvoir proposer des vols rapides depuis l'Europe vers l'Australie. Avec un Concorde, la durée serait en effet réduite de 18 à 11 heures[36]. Si la compagnie aérienne Singapore Airlines est intéressée, elle n'est pas prête à acheter l'appareil, jugeant l'appareil trop onéreux et préférant donc le louer[36]. En parallèle, British Airways négocie directement avec le gouvernement de Singapour pour une ligne Londres - Bahreïn - Singapour, avec la volonté de la prolonger vers Melbourne[36].
En 1977, un accord est finalement trouvé entre les deux compagnies. Un Concorde doit être ainsi partagé pour effectuer les vols aller-retour Londres - Bahreïn - Singapour[36],[37]. La durée du vol est de 10 heures, ce qui comprend un arrêt à Bahreïn de 40 minutes pour se ravitailler en carburant. L'appareil, immatriculé « G-BOAD », est peint aux couleurs de la compagnie singapourienne sur le flanc gauche et aux couleurs de la compagnie britannique du côté droit[36],[38],[37]. Pour diverses raisons, à la fois politiques et environnementales, l'Inde interdit le survol de ses terres, ce qui rallonge sensiblement le trajet[36].
Le vol inaugural est planifié pour . Par rapport à un vol traditionnel en première classe, les billets sont 15% plus onéreux[36]. Il est calculé à l'époque que l'avion doit au moins être rempli avec 60 passagers (sur les 100 places disponibles) pour que la ligne soit rentable[36]. De plus, les conditions humides à Singapour entrainent une diminution des performances de l'appareil, obligeant celui-ci à n'embarquer que maximum 86 passagers lors des vols retours[36].
Peu de temps avant ce vol, la Malaisie, pour des raisons qui semblent politiques, refuse le survol du pays. L'Indonésie, sous demande de Singapour, accepte son survol et le Concorde décolle bien le pour ce vol inaugural[36]. Le détour réduit les capacités d'emport du Concorde, celui-ci devant emporter plus de carburant. Le nombre de passagers maximum passent ainsi de 100 à 90 vers Singapour et 86 à 70 pour le retour[36]. Malheureusement, les vols ne seront que d'une courte durée[36],[37], l'Indonésie n'ayant accepté son survol que durant une semaine, ce qui correspond à trois vols. Le pays ne change pas d'avis, surtout pour ne pas froisser ses relations avec la Malaisie[36]. Finalement, le quatrième vol, parti de Londres, doit faire demi-tour à Bahreïn pour revenir à Londres[37].
Ces divers incidents n'entravent pas la volonté de créer une ligne durable. En attendant les différents accords, il est décidé de ne pas changer la livrée, ce qui explique que ce Concorde est aperçu à travers le monde (Washington, Dallas, New York, Barcelone)[36].
En 1978, un accord est finalement obtenu avec la Malaisie pour effectuer des vols durant une période d'essai de six mois. L'Indonésie accepte également son survol[36]. Le service reprend donc en avec trois vols aller-retour prévus par semaine[36]. Cette ligne est principalement dévolue au monde des affaires, la princesse Margaret l'empruntera néanmoins pour une visite officielle en Asie[36].
Devant cette reprise, il est imaginé de la prolonger vers Hong Kong, Manille ou Séoul, ce qui diminuerait fortement la durée des vols par rapport aux offres disponibles[36]. Le Concorde, dans sa livrée spéciale, apparaît même sur les billets de 20 dollars de Singapour[36],[39]. Néanmoins, la ligne n'est pas rentable et les pertes sont estimées entre 14 et 18 millions de dollars par an[36]. De plus, British Airways commence à se plaindre de l'accord pris avec Singapore Airlines sur le partage des coûts, estimant que la compagnie de Singapour n'apporte pas assez de passagers[36]. Le partenariat est toutefois prolongé[36].
L'année 1980 montre cependant que le nombre de passagers depuis Singapour vers Londres diminuent fortement, au point de ne remplir l'avion qu'à moitié. De plus, les passagers commencent à se plaindre du confort fort relatif du Concorde, la cabine étant étroite et bruyante par rapport à des avions conventionnels[36]. Devant les pertes, la ligne est finalement arrêtée en [36],[37]. Après ce vol, le Concorde, immatriculé « G-BOAD », est repeint aux couleurs de la British Airlines et continue son service sur d'autres lignes[36].
De 1978 à 1980, la compagnie américaine Braniff International loua deux Concorde, l'un appartenant à British Airways et l'autre à Air France. Ils furent utilisés pour effectuer des vols réguliers à vitesse subsonique entre l'aéroport Fort Worth de Dallas à l'aéroport international Dulles de Washington, D.C., vols qui continuaient ensuite vers l'Europe[40]. Pour des raisons de légalité, les avions utilisés par Braniff étaient enregistrés aux États-Unis mais aussi dans les deux États d'origine (France, Royaume-Uni). Les vols Dallas-Washington étaient assurés par des équipages de la Braniff, puis des équipages français et britanniques prenaient le relais pour le vol transatlantique vers Paris ou Londres. Cependant, les vols ne furent pas bénéficiaires, ce qui força Braniff à arrêter les opérations en .
Après l'arrêt des vols commerciaux autres que vers JFK, les compagnies Air France et British Airways tentent, à partir de 1983, de rentabiliser autrement les avions (maintenance, équipage).
Les équipes commerciales développent des vols à la demande pour les entreprises, mais aussi pour les agences de voyages, pour des tours du monde ou comme complément à des croisières en paquebot. Des vols sont effectués pour marquer certains événements médiatiques comme la Coupe du monde de football, les Jeux olympiques (transport de la flamme olympique en 1992 pour les jeux d'Albertville), les Grands Prix de Formule 1, le Carnaval de Rio, etc. Dans le monde de l'aéronautique, la présence de l'avion est appréciée, comme lors de l'inauguration de l'aéroport de Kansai ou, jusqu'en , dans les meetings d'aviation.
Ces tours du monde durent environ un mois. Les passagers sont surtout américains. Les principales agences sont Kuoni, Intrav Missouri et TMR France (Marseille). Certaines années, chez Air France, jusqu'à six tours du monde sont effectués.
Du au , un Concorde a effectué le tour du monde en 31 h 51 min de vols[41].
En 1995, plusieurs événements politiques et contentieux diplomatiques déroutent deux tours du monde. L'un de ces événements est une vague d'attentats en France et l'autre, la reprise des essais nucléaires français en Polynésie. Les escales de remplacement sont Nouméa avec un transfert des passagers par vol subsonique vers Christchurch et Sydney ainsi que Londres au lieu de Paris.
Une pause a été faite en 1991 pendant la première guerre du Golfe.
En septembre 1995, la Chine donne l'autorisation d'atterrir à Pékin, pour British Airways et Air France. Mais le bruit au décollage amène les Chinois à interdire Pékin au Concorde. Les escales en Chine se font alors à Tianjin à 140 km au sud de Pékin, en bord de mer.
Le , le Concorde emporte le président de la République française Georges Pompidou[42]. C'est la première fois qu'un chef d'État utilise un prototype pour effectuer un voyage officiel[43]. Durant ce vol, le président Pompidou donne une interview en direct au micro de l'ORTF, dans laquelle il déclare : « Je suis frappé par la stabilité de l'appareil à plus de deux mille kilomètres à l'heure. Je ne m'en apercevrais même pas, tant le vol est calme, doux et silencieux, si je ne voyais pas les côtes de France au loin, qui défilent devant nous à une vitesse extraordinaire. À tout le personnel d’Aérospatiale, des ingénieurs aux techniciens et à tous les travailleurs, je voudrais dire, pour la joie qu'ils me donnent aujourd'hui, de tout cœur merci ».
Les 12-13-14 décembre 1971, Pompidou se rend à un sommet autour de la question monétaire aux Açores, à bord du Concorde, qui est l'objet de toutes les curiosités, alors que le président des États-Unis, Richard Nixon s'y rend, lui, avec son Boeing 707. Impressionné par le Concorde, Richard Nixon décide de monter à bord pour le visiter, alors que son pays a abandonné son projet d'avion supersonique, le Boeing 2707, quelques mois plus tôt[44].
De 1981 à 1995, après un voyage du président de la République française en Chine avec un avion supersonique, tous les voyages présidentiels lointains sont effectués en Concorde. Celui-ci était aménagé en bureau et chambres à coucher dans la cabine avant, la cabine arrière étant réservée aux invités. Une photocopieuse était installée en cabine arrière.
De même, un système de chiffrement des communications dites « sensibles » était installé avec un téléphone vers le bureau du président. Un pilote spécialiste radio était embarqué pour s'occuper des communications présidentielles.
En pleine crise du Rainbow Warrior et des essais nucléaires à Mururoa, l'escale du président François Mitterrand lors du lancement de la fusée Ariane 3 le depuis le site de Kourou tourne au désastre : après deux demi-tours pendant le roulage en raison de problèmes de train avant, le Concorde présidentiel doit être échangé contre un appareil de ligne[45] et de surcroît, la fusée a dû être détruite[46].
D'autres présidents ou rois ont affrété le Concorde pour leurs déplacements, soit par les vols réguliers vers New York (assemblée générale des Nations unies), soit des transports vers l'Afrique comme le président Mobutu (Zaïre) ou le président Houphouët-Boigny (Côte d'Ivoire).
Lors des voyages du pape, la règle est que le pays recevant le pape organise le voyage de départ vers sa destination suivante.
Lors du passage du pape Jean-Paul II sur l'île de La Réunion le , un Concorde d'Air France (F-BTSC) est affrété pour le transporter entre Saint-Denis de La Réunion et Lusaka en Zambie.
Avec des contraintes techniques draconiennes en matière de sécurité des vols et de ponctualité, l'entretien du Concorde revient très cher. Il peut être comparé à celui d'une écurie de Formule 1, très gourmande en heures de main-d'œuvre et en pièces de rechange : la maintenance d'un Concorde requerrait 18 à 20 heures par heure de vol alors que celle d'un avion classique de la même époque est en moyenne de 2 heures. Quel que soit le nombre d'heures de vol, chacun donne lieu à des stationnements au sol prolongés et les frais courent même si l'avion ne vole pas.
L'arrivée du Concorde ne manqua pas de provoquer une évolution de la formation dans le secteur de la maintenance avionique puisque les commandes étaient électriques et hydrauliques, dont certaines bénéficiaient de tests embarqués. L'électronique et l'informatique firent leur entrée dans les métiers de l'entretien aéronautique et automobile, y compris les métiers de mécanicien et d'électricien.
Comme les autres avions, le programme d'entretien est déposé par la compagnie aérienne. Cependant, les deux compagnies avaient deux philosophies différentes en matière d'entretien, particulièrement dans l'utilisation et l'occupation des mécaniciens.
Le choix de British Airways est de créer un département entretien spécialement réservé au Concorde.
Dès les débuts de l'exploitation de Concorde, le choix est également de créer un département Concorde, mais la fréquence des vols, la sous-utilisation des mécaniciens et les coûts de maintenance entraînent la création d'un département avions européens, dans un premier temps en 1979 avec l'A300, en 1984 avec l'A310, puis en 1989 avec l'A320. À partir de 1990, la maintenance des Concorde est partagée avec seulement les A300 et A310. En 2001, après l'accident de Gonesse, un département Concorde seul est recréé jusqu'en 2003, fin de l'exploitation.
Cette organisation permet d'occuper les mécaniciens en permanence, mais aussi de maintenir les compétences dans les technologies nouvelles.
Dans les escales régulières, comme JFK, une équipe spécialisée est en permanence sur place. À partir de 1995, la maintenance à JFK est sous-traitée à une entreprise créée par d'anciens mécaniciens Air France, Mach 2.
Dans les autres escales, deux mécaniciens sont envoyés sur place pour assurer les pleins et la maintenance.
Pour les tours du monde, un technicien superviseur est en permanence à bord en vol, en plus de l'officier mécanicien navigant, et deux mécaniciens envoyés sur place assurent la maintenance dans chaque escale. Un lot de bord permet d'assurer un dépannage de qualité permettant la poursuite du vol.
Avant l'accident de Gonesse, le Concorde n'a jamais connu d'avaries majeures entraînant des pertes humaines.
L'enquête judiciaire qui a suivi l'accident met en cause le talon d'Achille du Concorde, la fragilité des pneumatiques. Des dizaines de cas d'éclatement de pneumatiques sont survenus depuis sa mise en service, avec dans plusieurs cas des perforations d'un réservoir ou d'une aile notamment à Washington et à Dakar en 1979[47].
Le , le F-BTSC du vol 4590 Air France, charter à destination de New York, avec des passagers de nationalité allemande, décolle de l'aéroport de Paris-Charles-de-Gaulle puis s'écrase deux minutes après le décollage sur un hôtel à la Patte-d'Oie de Gonesse, provoquant la mort de 113 personnes : cent passagers, neuf membres d'équipage et quatre personnes au sol[48].
L'accident du serait dû, notamment, à une cause extérieure : une lame métallique d'un avion précédent tombée sur la piste : un DC-10 de la Continental Airlines. L'éclatement d'un pneu puis la projection d'un morceau de la roue sur l'aile auraient provoqué une fuite de carburant plus importante que lors des incidents précédents ; l'inflammation du carburant aurait entraîné du pompage (décrochage aérodynamique des pales des compresseurs) et des pertes massives de puissance sur un moteur (le no 2), puis sur l'autre situé juste à côté (le no 1). La principale cause retenue par la version officielle est celle de « la lame métallique présente sur la piste », cependant, l'analyse détaillée de cet accident par des méthodes rigoureuses révèle que pas moins de quinze facteurs différents (causes premières) se sont conjugués pour provoquer ce crash[réf. nécessaire].
L'accident est à l'origine de nouvelles modifications sur le Concorde. Les contrôles électriques ont été améliorés : protection anti-perforation en kevlar des réservoirs de carburant situés dans les ailes (au nombre de treize sur Concorde), montage de pneus plus résistants, fournis par Michelin qui a développé des pneus d'une nouvelle technologie Radial NZG (Near Zero Growth) qui pèsent 20 kg de moins que ceux précédemment utilisés. Cependant, le nombre de places à bord est réduit d'une dizaine, rendant l'exploitation de l'appareil d'autant moins rentable. Les deux itinéraires sont rouverts le .
Il est à noter que l'absence de l'entretoise ainsi que la surcharge ne sont pas des éléments nouveaux : connus et publiés dans le rapport officiel du BEA, ils ont été analysés et jugés sans effet sur l'accident. L'écart d'un kilomètre revendiqué par le documentaire est également sujet à caution : la distance correspond à celle qui sépare le défaut de raccord sur la piste, et le lieu où la lamelle a été retrouvée (après le passage de l'avion). De plus, alors que le documentaire indique que des témoignages sont ignorés par la thèse officielle, on trouve pourtant, dans l'annexe 6 du rapport du BEA, ceux de pompiers et d'un commandant de bord, proches de la scène qui ont entre autres orientés les conclusions de l'analyse sur le départ de feu. Enfin, cet autre scénario ne prend pas en compte le fait que des traces et débris d'élastomère, retrouvés sur la lamelle, ont été analysés comme correspondant à la matière du pneumatique de Concorde.
Le procès relatif à cet accident s'est ouvert le au palais de justice de Pontoise. Le , l'accusation a requis[47] :
Le , la justice rend son verdict et condamne Continental Airlines à une amende de deux cent mille euros et à verser un million d'euros de dédommagement en faveur d'Air France (cinq cent mille euros pour « préjudice moral » et la même somme pour « atteinte à l'image »). Continental Airlines, par la voix de son avocat Me Olivier Metzner, a décidé de faire appel de cette décision. Le chaudronnier John Taylor est condamné à quinze mois de prison avec sursis, son chef d'équipe, Stanley Ford, ayant été relaxé. Les trois autres prévenus (Henri Perrier, Jacques Hérubel et Claude Frantzen) ont été relaxés.
Le , Air France décide de faire appel en raison des propos tenus après l'annonce du verdict par Continental Airlines (« décision absurde », « détermination des autorités françaises de détourner l'attention de la responsabilité d'Air France, qui appartenait à l'État au moment de l'accident »)[50]. Le procès en appel aboutit à la relaxe de Continental Airlines et de John Taylor sur le plan pénal, tandis que la condamnation de Continental Airlines à verser un million d'euros à Air France est maintenue sur le plan civil[51].
Avant le désastre de Gonesse, Air France et British Airways voulaient maintenir le Concorde en exploitation jusqu'en 2007 voire 2017. Il est indiqué que l'appareil n'est rentable qu'avec un faible coût du carburant et les subventions publiques. Air France relativise les pertes financières du fait que Concorde représente une part d'activité inférieure à 1 % chez la compagnie[52],[53]. Néanmoins, les rumeurs d'abandons sont récurrentes depuis les années 1980[54],[55].
Après l'accident de Gonesse, le Concorde (remise à niveau et renforcement de la protection des réservoirs) est remis en service le , mais il connaît de nouveau plusieurs incidents (problèmes moteur le , le 3 et le ). Un Concorde de la British Airways connaît un souci majeur le 27 novembre 2002 : il perd une de ses gouvernes alors qu'il amorce sa descente vers l'aéroport JFK de New York[56]. Le , British Airways et Air France annoncent simultanément le retrait de leurs Concorde pour l'année suivante. Les raisons invoquées sont notamment la baisse constante du nombre de passagers depuis l'accident de Gonesse le et le coût élevé de la maintenance. De plus, le trafic aérien mondial connaît une grave crise après les attentats du 11 septembre 2001, les nouvelles normes contre la pollution, le bruit et la hausse du prix du kérosène. Mais la raison essentielle vient de la décision d'EADS de ne plus assurer l'entretien du supersonique à partir d'octobre 2003[57].
Dans le même temps, Richard Branson offre la somme d'une livre sterling pour acheter un appareil à British Airways qui aurait servi dans la Virgin Atlantic, mais cette offre est refusée. Plus tard, il écrit dans The Economist que l'offre finale était de cinq millions de livres sterling et qu'il voulait utiliser le Concorde pendant encore de nombreuses années. Cette offre était probablement destinée à faire de la publicité pour Virgin, Airbus ayant de toute façon refusé de continuer à livrer des pièces de rechange pour Concorde.[réf. nécessaire]
Les derniers vols commerciaux de Concorde avec Air France décollent de l'aéroport JFK de New York (dernier vol régulier New York vers Paris) et de Roissy (dernière boucle supersonique) et atterrissent à Roissy le . Le dernier Concorde à atterrir en service commercial devait être le « Sierra Delta » en provenance de New York, mais un problème sur le moteur no 4 retarde de 45 minutes le décollage du « Fox Bravo », chargé d'effectuer la dernière boucle supersonique au-dessus de l'Atlantique, et le « FB » atterrit donc finalement le dernier vers 18 h 30 alors que le « Sierra Delta » se pose à 17 h 45 (les arrivées étant initialement prévues à une minute d'intervalle). Les camions de pompiers arrosent l'avion comme de coutume sur la piste de l'aéroport John F. Kennedy alors que, à Roissy, 15 000 personnes attendaient les deux derniers Concorde.
La fin de l'aventure Concorde avec Air France est marquée, pour le « Fox Bravo », par un vol au-dessus du golfe de Gascogne à vitesse supersonique. De retour de sa boucle au-dessus de l'Atlantique, le « Fox Bravo » survole Orly, l'aérodrome de Lognes, puis passe à la verticale de Roissy avant de s'y poser. De nombreux véhicules (véhicules de piste, voitures de gendarmerie et de pompiers) escortent les deux derniers Concorde après leurs atterrissages respectifs. Les deux avions font une longue promenade sur les voies de circulation de Roissy, s'arrêtant entre autres devant le siège d'Air France et devant les milliers de personnes venues assister aux deux derniers atterrissages de l'avion en service commercial.
Mais c'est le que Concorde effectue pour sa toute dernière fois la liaison New York–Paris Charles de Gaulle, à l'issue d'un vol VIP non commercial, à bord du F-BVFB.
Les derniers vols de convoyage vers les musées des Concorde se sont effectués de cette manière : le , le Concorde F-BVFA est le premier à rejoindre son musée, il quitte Roissy pour rejoindre la collection du Smithsonian Museum de Washington, où il est exposé officiellement le 20 décembre de la même année. Le , c'est le F-BTSD qui rejoint la collection du Musée de l'Air et de l'Espace du Bourget, il effectue un court vol entre Roissy et Le Bourget, et arrive en vol durant le salon du Bourget 2003 devant le Président Jacques Chirac, présent pour l'occasion. Le 24 juin, le Concorde F-BVFB quitte Paris pour rejoindre Karlsruhe-Baden en Allemagne, où il se pose pour la dernière fois pour rejoindre par voie fluviale et terrestre la collection du musée automobile et technologique de Sinsheim aux côtés de son rival le Tupolev-144. Le , le F-BVFC effectue l'ultime vol Concorde français entre Paris et Toulouse, où il est depuis exposé au sein du musée Aeroscopia, avec à son bord André Turcat, et autres acteurs du projet Concorde.
Une enchère a par ailleurs lieu chez Christie's à Paris le . 1 300 personnes sont présentes pour acheter des objets et des photos des moments importants de la vie du Concorde. Parmi ces objets, certains voient leur valeur multipliée par dix (voire plus) par rapport à la mise à prix.
Le dernier Concorde de British Airways décolle de la Barbade le [réf. nécessaire].
La dernière semaine de vols de démonstration du Concorde se fait au-dessus de Birmingham le 20 octobre, à Belfast le 21, Manchester le 22, Cardiff le 23, et Édimbourg le 24. Chaque jour, l'avion part de la ville de Heathrow et va jusqu'aux villes concernées en volant à basse altitude en vol subsonique. Il y a eu environ 650 personnes ayant gagné à un concours et 350 personnes invitées qui ont volé dans ce Concorde.
Élisabeth II consent à éclairer le château de Windsor pour la soirée du , pour le passage de Concorde au-dessus du château après un décollage de Londres. C'est, pour le Concorde, un honneur suprême, car seuls quelques avions des principaux chefs d'État ont droit à ce privilège.
British Airways retire officiellement l'avion de sa flotte le jour suivant, le 24 octobre. Cette sortie définitive se fait avec l'un des Concorde qui quitte New York avec une fanfare similaire à celle qu'a connu son homologue d'Air France, tandis que, simultanément, deux autres avions paradent, l'un au-dessus du golfe de Gascogne pour Air France, et l'autre au-dessus d'Édimbourg pour British Airways. Les trois avions ont obtenu la permission spéciale de voler à basse altitude. Les deux Concorde (qui faisaient des tours) atterrissent respectivement à 16 h 1 et 16 h 3 à l'heure britannique et celui venant de New York à 16 h 5. Chacun des trois avions passe alors 45 minutes en roulant au sol autour de l'aéroport de Heathrow, avant de débarquer les derniers passagers d'un vol supersonique commercial[58]. Le pilote du vol New York/Londres est Mike Bannister (en), qui est aussi le pilote du premier vol commercial d'un Concorde aux couleurs de British Airways, qui a eu lieu en 1976.
Parmi les passagers de ce dernier vol transatlantique, il y a, comme souvent, de nombreuses célébrités du monde du spectacle et des affaires, des cadres ou des dirigeants de grandes compagnies internationales, mais aussi un voyageur très chanceux qui avait réservé un an auparavant un billet pour ce trajet sans savoir, bien évidemment, que ce serait le dernier voyage de l'avion[réf. nécessaire].
Il y a eu par la suite une vente aux enchères des pièces d'un Concorde de British Airways qui s'est déroulée le au centre d'exposition d'Olympia, dans le quartier Kensington de Londres. Les articles vendus sont hétéroclites et comprenaient un compteur de Mach, le cône du nez, le siège du pilote, des fauteuils de passagers et même des couverts, des cendriers et des couvertures utilisés à bord de l'appareil. Environ 1 129 000 euros sont récoltés, dont 752 720 sont donnés à l'association 'Get Kids Going!' qui offre aux enfants handicapés et aux jeunes l'occasion de faire du sport.
L'entrée du poste de pilotage se fait par un couloir bas (1,75 m de haut) d'une longueur de 2 mètres. Dans les armoires électroniques de chaque côté, sont disposés des calculateurs servant au pilotage automatique, navigation, communications VHF[59], batterie, conditionnement d'air, conduite moteur. La partie supérieure est réservée aux panneaux disjoncteurs.
Trois sièges à manœuvre électrique sont disposés dans le cockpit, les deux sièges des pilotes (CDB[60] et OPL[60]) avec des planches de bord similaires à droite et à gauche (navigation).
La partie centrale, conduite moteur, commande du pilote automatique et pylône, (radionavigation et communications) est commune. En partie supérieure, au-dessus des pare-brise, un panneau de centrale d'alarme avec en fonction des niveaux d'alarme des voyants de couleurs différentes. Au panneau supérieur, les commandes de vol, les poignées coupe-feu, les éclairages extérieurs (feux de navigation et phares).
Le poste de l'OMN[60], siège orientable soit vers le panneau ou vers l'avant (position décollage), derrière l'OPL, est équipé de nombreux indicateurs et interrupteurs : conditionnement d'air, électricité, carburant, indicateurs complémentaires moteurs, panneau de démarrage, commandes des entrées d'air et hydrauliques. Le panneau, du plafond au plancher, est équipé d'indications et commandes. Sur la cloison gauche du cockpit, encore des panneaux disjoncteurs.
Deux sièges observateurs peuvent être utilisés en fonction des besoins, l'un derrière le CDB, l'autre dans le couloir central derrière l'OMN.
En raison de sa forme élancée nécessaire afin d'avoir de bonnes performances pour le vol supersonique, les pilotes ont généralement une très mauvaise visibilité vers l'avant. Cela ne cause pas de problème en vol de croisière, mais un peu plus dans les phases de décollage et d'atterrissage. C'est ce qui explique pourquoi les pilotes doivent abaisser le nez du Concorde pour ces phases.
L'appareil est séparé en deux cabines, 40 passagers pour la cabine avant et 60 passagers pour la cabine arrière, les toilettes, les vestiaires et les portes centrales servant de séparation entre les deux cabines. Les sièges sont installés par rangées de quatre, séparés en deux par une travée centrale.
À l'entrée de la cabine avant, un office avec four est installé pour le service. La conservation des aliments est faite avec de la carboglace. Le même type d'équipement est installé en cabine arrière.
Il n'y a ni vidéo ni projection de film pendant les vols, mais un choix de musiques est disponible à chaque siège.
Trois toilettes sont installées, une à l'avant pour les passagers cabine avant et l'équipage et deux entre les deux cabines.
Chaque siège dispose d'un porte-bagages en partie supérieure et des vestiaires à porte-manteaux sont installés en extrémité de chaque cabine.
Dans le galley[61] arrière, des calculateurs, entrées d'air, communications longue portée (HF) sont disposés de chaque côté avec accès par le galley. Au fond, un accès mène vers la soute arrière, mais ne peut être ouvert qu'au sol.
Deux soutes peuvent accueillir les bagages des passagers, l'une sous la cabine avant, l'autre derrière le galley[61] arrière. Chaque soute dispose d'une entrée indépendante. Les soutes à bagages ont un volume de 19,74 m3 et ne sont pas ventilées. De ce fait, le transport d'animaux vivants est exclu.
Toutes les parties disponibles restantes sont utilisées pour les équipements : centrale à inertie et radar à l'avant, soute hydraulique, soute de conditionnement d'air.
L'aile delta n'est que très peu portante à faible vitesse, ce qui oblige l'avion à avoir un angle d'incidence élevé durant les phases de décollage et d'atterrissage. La visibilité vers l'avant s'en trouve fortement réduite lors du décollage et en phase d'approche.
En réponse à ce problème, le Concorde (comme le Tupolev Tu-144), est équipé d'un nez et d'une visière mobiles inclinables, pour une meilleure visibilité à basse vitesse et meilleure pénétration dans l'air à haute vitesse. L'ensemble nez-visière peut prendre 4 positions :
Le fuselage et la voilure de Concorde sont construits en alliage d'aluminium, connu sous la référence RR58 en Grande-Bretagne et AU2GN[62] en France. Cet alliage a été mis au point afin d'offrir le meilleur compromis entre masse, résistance aux déformations et résistance à la température. L'échauffement cinétique en vol supersonique est important : 127 °C sur le nez de l'appareil, 100 °C environ sur le bord d'attaque des ailes. Cet échauffement provoque une dilatation du fuselage et un allongement de celui-ci pouvant aller jusqu'à 23 centimètres[9],[63].
Partie essentielle et spécifique de cet avion : l'aile adaptée au vol supersonique. Le concept d'aile delta (triangulaire) est modifié afin d'avoir de meilleures performances aux basses vitesses. Cette modification de l'aile du Concorde porte un nom spécifique : l'aile gothique. En effet, si on regarde le plan de l'aile, on s'aperçoit que la forme en plan est en ogive, d'où le nom gothique.
Les travaux de l'Onera, dans les années 1950 ont démontré de nombreuses hypothèses. L'augmentation de la flèche à l'emplanture (apex) permet une augmentation de la portance, notamment grâce à la portance tourbillonnaire. Une corde à emplanture plus longue offre plus de volume pour les réservoirs (un point-clef du projet). Les ailes du Concorde disposent de bords d'attaque à double courbure, il y a ainsi une augmentation de la surface en bout d'aile. Les commandes de vol sont multifonctions, les élevons sont à la fois les ailerons (roulis) et les gouvernes de profondeur (tangage). Il n'y a pas d'aérofreins (inutiles sur une aile delta à forte traînée), ni de volet déporteurs, ni encore de volets de bord d'attaque et de bord de fuite. Du fait de son faible allongement (ici 1,55[64]), une aile delta est peu portante (Czmax ≈ 1), l'avion doit avoir un angle d'incidence élevé au décollage et à l'atterrissage, ce qui gêne fortement la visibilité depuis le cockpit.
En l'absence de volets, les vitesses minimales (portance maximale) sont obtenues de la façon suivante :
Au total un coefficient de portance d'environ 0,65 pour une masse de 170 t permet de décoller aux environs de 200 kt (soit 360 km/h), soit une vitesse supérieure de 50 à 60 % à celle d'un avion de ligne subsonique (entre 125 et 135 kt).
Le Concorde est un quadriréacteur. Les réacteurs sont disposés deux par deux sous les ailes. Les nacelles, dans lesquelles ils sont logés, sont réalisées en acier et matériaux résistants aux très hautes températures. Des panneaux de protection thermique sont installés au plafond pour isoler les réservoirs situés dans les ailes. Des détecteurs d'incendie y sont installés.
La grande difficulté de conception et de mise au point des réacteurs vient du fait que l'avion vole en subsonique et en supersonique, alors que la vitesse de l'air à l'intérieur du réacteur doit être inférieure à la vitesse du son même en supersonique. Pour cela, les constructeurs ont partagé le moteur en trois parties :
Ces trois parties disposent de leurs commandes et contrôles particuliers.
Le but des entrées d'air est d'amener la vitesse de l'air à une vitesse compatible avec le fonctionnement du moteur (environ Mach 0,5). Des panneaux articulés, appelés « rampes » assurent cette fonction. Ces rampes sont manœuvrées par des tubes de torsions, eux-mêmes entraînés par un moteur hydraulique. Ces moteurs sont au nombre de deux : un normal et un autre de secours.
On distingue trois phases de fonctionnement[3] :
Le Concorde est propulsé par des turboréacteurs composés de trois ensembles : l'entrée d'air conçue par British Aircraft Corporation, le réacteur Olympus 593, et le canal d'éjection mis au point par la Des modifications importantes ont permis d'accroître la poussée et de diminuer la consommation en régime subsonique. La version définitive est la Mk IV.
Des entrées d'air moteurs à section variable à régulation électronique[3] servent à réduire la vitesse de l'air entrant dans le réacteur. Une sortie des gaz à section variable augmente la vitesse de l'air sortant. Le dégivrage de la voilure et des entrées d'air moteurs est entièrement électrique soit en continu soit par cycle, limitant les tuyauteries d'air. Cette spécificité n'est pas reprise sur les avions actuels.
La conception (difficile), la réalisation et la mise au point de l'entrée d'air du réacteur ont été prises en charge en partie par la Snecma.
Cependant, il n'y a pas d'APU, ce qui impose la présence d'un groupe électrique et à air indépendant dans chaque escale. Un projet a été étudié mais abandonné (prototype APU au MAE, don de M. Chevalier). Le Boeing 727 est le premier avion civil à disposer d'APU intégré pour la mise en route des réacteurs.
Les Concorde français sont équipés de réacteurs identiques à ceux équipant les Concorde britanniques, mais assemblés par la Snecma.
Simple flux, double corps (compresseurs basse pression (N1) et haute pression (N2)), chambres de combustion annulaire, turbines haute et basse pression. Un système de postcombustion (ou réchauffe) est ajouté. Une tuyère à section variable (AJ : Area Jet) vient se positionner à l'arrière.
Un relais accessoire, entraîné par le corps haute pression N2, permet d'entraîner les vario-alternateurs, les pompes hydrauliques, les pompes d'alimentation en carburant haute et basse pression.
La régulation de la poussée est effectuée par le biais du corps haute pression N2 (contrairement aux moteurs d'aujourd'hui qui se régulent au N1). Ce dernier (N2) réagit aux variations de débit carburant piloté par la manette des gaz associée au moteur. L'attelage basse pression N1 est régulé par la tuyère primaire (AJ), montée en sortie de canal de réchauffe (postcombustion). Le N1 est ajusté au N2. Le rapport de vitesses des deux compresseurs doit rester dans une plage de fonctionnement compatible. La régulation du N1 n'interfère par sur celle du N2 car un phénomène de saturation (ou bouchon) permet de dissocier les deux. Concrètement, un col sonique est présent dans le distributeur de la turbine BP. Les paramètres variants en amont n'affectent pas ceux situés en aval et inversement. C'est une particularité de ce moteur. Ce système a permis de se passer de clapet de décharge.
L'équipage ajuste et contrôle la poussée par la vitesse de rotation du corps haute pression (N2) au moyen de deux calculateurs de poussée (TCU) par moteurs, l'un suppléant l'autre en cas de panne. Au poste de pilotage, des indicateurs à aiguilles et à tambours permettent de contrôler les paramètres de vitesse de rotation moteur, de consommation de carburant, de pressions et de températures.
La postcombustion (appelée aussi réchauffe) est utilisée pour le décollage et pour passer le mur du son, à partir de Mach 0,97 et jusqu'à Mach 1,7. Elle permet d'obtenir une poussée supplémentaire d'environ 18 % pendant ces deux phases, mais au prix d'une consommation très élevée (80 tonnes par heure au décollage au lieu de 20 en croisière). La postcombustion est réalisée par une pompe et un régulateur de carburant haute pression envoyant du carburant dans les gaz d'échappement du moteur. Elle est commandée par le pilote au moyen d'un interrupteur situé derrière les manettes de poussée moteur au travers d'un calculateur électronique.
La postcombustion n'est pas allumée sur les quatre moteurs en même temps, mais par paire symétrique, d'abord les moteurs 1 et 4 (moteurs extérieurs, les plus éloignés du fuselage) puis les moteurs 2 et 3.
Une couronne de sondes mesurant les températures des gaz de turbine (TGT) est disposée dans le cône de queue du moteur.
Cette partie située en arrière du moteur est faite d'un tube d'acier haute température d'environ 1 m de diamètre et 2,50 m de longueur. La partie tube est une cheminée pour les gaz d'échappement en sortie de turbine. Elle est terminée par deux équipements :
Le train d'atterrissage est un train dit « tricycle » : un train principal sous chaque aile plus un train avant sous la cabine avant. La commande est électrique, elle pilote des électrovannes qui envoient un fluide dans des vérins hydrauliques. La sortie, comme la rentrée, est normalement hydraulique, mais en cas d'urgence, après déverrouillage manuel, chaque train est sorti par gravité.
Le train avant se replie vers l'avant ; les deux trains principaux, après raccourcissement, se replient latéralement dans leur logement situé en partie dans le fuselage. Une fois le train rentré, des portes ferment les logements.
Une roulette dite « de queue » rétractable est installée au niveau du cône de queue pour protéger le fuselage en cas d'incidence trop élevée pendant le décollage.
Les disques de freins principaux, au nombre de huit, un par roue, sont en carbone pour réduire la masse de l'avion. Ce point clef de la conception n'est adopté qu'à partir de l'avion 102.
Le Concorde dispose de trois possibilités de freinage : un freinage normal avec antipatinage, un freinage « alternate » et un freinage de secours.
Les roues avant sont freinées par un frein à disque pour le freinage à la rentrée du train uniquement.
Un transmetteur de position pédale électrique commande la puissance hydraulique pour les freinages normal et alternate. Le freinage de secours est entièrement hydraulique, des pédales de frein aux freins. Des ventilateurs permettent le refroidissement accéléré des freins.
Une sonde de température est installée sur chaque frein dont la température est transmise au cockpit.
Il y a quatre roues sur chaque train principal. Les pneus sont gonflés à l'azote pour limiter l'échauffement des roues. Il n'y a pas de transmetteurs de pression des pneus comme sur les avions actuels, mais, à la suite d'un incident à Washington en 1979, un système de détection de sous-gonflage a été installé sur chaque train principal. Il s'agit de mesurer les contraintes du bogie dû, par exemple, à une roue dégonflée ou crevée par des détecteurs d'effort collés sur le bogie. Le signal est envoyé au cockpit sur des voyants au panneau avant et au panneau OMN.
Le test du système est quotidien et l'alarme de sous-gonflage pendant le roulage nécessitait un retour au parking pour vérification. De plus, la vérification des pressions des roues est effectuée avant chaque vol. L'orientation des roues avant est faite à l'aide d'un volant pour chaque pilote. Le signal généré par le volant est envoyé vers un calculateur. Un vérin hydraulique commandé électriquement oriente le train avant en fonction de la consigne reçue.
La génération électrique est de même principe que sur les autres avions modernes contemporains (Boeing 747) (triphasé 115⁄200 V et 400 Hz avec mise en parallèle des 4 alternateurs). Ceux-ci sont entraînés par les moteurs par l'intermédiaire du boîtier accessoires. Il y avait un IDG (Integrated Driving Generator) par moteur.
La nouveauté du Concorde sont les générateurs électriques mis en place pour gagner du poids, réunissant les deux fonctions, régulation de fréquence et générateur électrique en un seul équipement appelé IDG. Le gain de poids est d'environ 40 kg par alternateur. Cette technologie fut reprise par les constructeurs d'équipement pour les avions modernes à partir de l'Airbus A310. Tous les avions en sont maintenant équipés.
Les commandes et contrôles des tension et fréquence de chaque IDG sont gérés par un moteur et un calculateur, appelé Generator Control Unit (GCU). Les paramètres (tension, fréquence et température de l'huile de refroidissement) peuvent être vérifiés par l'officier mécanicien navigant (OMN). Un bouton-poussoir et un voyant de synchronisme permettent de faciliter la mise en parallèle des alternateurs, qui est normalement automatique (même tension, même fréquence et même rotation de phase).
En cas de panne, le mécanicien navigant peut déconnecter mécaniquement l'IDG à partir du poste de pilotage. Le vol se poursuit avec trois générateurs. De plus, pour respecter la réglementation, un alternateur de secours entraîné par un circuit hydraulique est également installé. En dernier recours, un convertisseur statique courant continu/courant alternatif assure le courant alternatif à partir des batteries de bord. Ces deux batteries cadmium/nickel assurent le dernier secours en 28 V. La recharge de ces batteries et l'alimentation électrique continue sont assurées par des transfo-redresseurs 115/28 via des contrôleurs de charge.
Au sol, moteurs arrêtés, l'avion est alimenté par un groupe de parc de minimum 90 kW de puissance.
Le Concorde dispose de nombreux éclairages. Les commandes des éclairages se situent dans le cockpit, juste au-dessus du pare-brise afin d'être accessible aux deux pilotes. Deux phares d'atterrissage rétractables d'une puissance de 600 W sont situés à l'intrados, près du bord d'attaque, à proximité de la jonction entre l'aile et le fuselage. Deux phares de roulage et de décollage également rétractables sont situés sous le fuselage. En avant du cockpit, en partie inférieure du fuselage, de chaque côté se trouvent deux phares de virage. Trois feux de navigation sont inclus soit dans les ailes, soit dans le cône de queue, afin d'éviter les traînées supplémentaires. Trois feux anticollision à flash rouge sont situés de part et d'autre du fuselage au début de la jonction entre l'aile et le fuselage et un à l'arrière en extrémité de fuselage.
À l'arrière, le boîtier de feu de navigation est commun avec le feu anticollision. La fixation de ce feu est renforcée afin de parer à la dégradation due aux vibrations dans cette partie de l'avion. Les logements de trains d'atterrissage sont éclairés au sol à des fins d'inspection.
Comme la Caravelle et les Airbus actuels, le Concorde est doté de trois circuits hydrauliques. Circuits normaux appelés vert et bleu et circuit secours appelé jaune. Le liquide est de l'Oronite, un liquide synthétique résistant à la température de fonctionnement en vol soit 120 °C. Ces circuits sont alimentés par des réservoirs situés dans la soute hydraulique placée sous la soute arrière.
Au sol, moteurs arrêtés, la pression est générée par deux pompes électriques, une pour le circuit vert et une pour le circuit bleu, alimentées en triphasé. Le circuit jaune peut être utilisé par une ou les deux électro-pompes sous réserve qu'on ait orienté le sélecteur sur jaune. Ces pompes sont commandées par des interrupteurs situé au panneau mécanicien navigant. Tous les équipements hydrauliques peuvent être commandés par la pression délivrée par ces pompes.
En situation de maintenance, des groupes de parcs hydrauliques sont utilisés pour les essais prolongés notamment les essais de rentrée de train alors que quand les moteurs sont en route, la pression hydraulique est délivrée par les pompes entraînées par les moteurs.
Les circuits hydrauliques commandent les trains d'atterrissage (rétraction/extension, freins), les commandes de vol et le nez basculant.
En dernier recours, en cas de perte des trois circuits hydrauliques, une hélice (RAT, ram air turbine) située sous l'aile gauche peut être sortie à partir du poste de pilotage. Cette hélice, mue par le vent relatif lié au déplacement de l'avion, entraîne une pompe hydraulique permettant de conserver un minimum de commandes de vol et les freins en freinage secours (pas d'antipatinage) ainsi que l'alternateur de secours. Pendant la vie de l'avion, cet équipement de secours n'a jamais servi. Seuls les essais en maintenance garantissent le bon fonctionnement en cas de besoin en vol.
Treize réservoirs[48] contenant au total 95,8 t de kérosène, soit environ 119 500 L (densité 0,8) permettent d'alimenter les réacteurs. Ces réservoirs sont répartis dans les ailes, dans le cône de queue derrière la soute à bagages et dans le fuselage en partie basse en avant des trains d'atterrissage principaux. Les réacteurs sont alimentés à partir des quatre réservoirs dits « nourrices ». Ceux-ci se remplissent pendant le vol par transfert de carburant à partir des autres réservoirs.
La consommation de carburant pouvant varier en fonction des vents, de la charge (passagers et bagages), du temps estimé d'attente à l'arrivée (notamment de CDG vers JFK), une quantité de carburant supplémentaire (environ 1 600 L) peut être ajoutée dans les parties hautes des réservoirs (surplein).
La quantité de carburant vers les États-Unis est le plein complet à pleine charge, soit 95 t avec environ 13 t restant à l'arrivée (le tableau de caractéristiques indique 7 tonnes). Le retour vers l'Europe ne nécessite pas le plein complet (vents favorables). La quantité pour le retour est d'environ 78 t avec également 13 t restant. Cette quantité restante pouvant être utilisée en cas de panne du conditionnement d'air ou du moteur, et dégagement en cas d'indisponibilité de l'escale d'arrivée.
En plus de l'alimentation des réacteurs, le carburant remplit deux autres fonctions. Il est utilisé pour le centrage. Après le passage du mur du son, l'équilibre aérodynamique est modifié, le centre de portance recule. Pour compenser cet effet, les ingénieurs auraient pu utiliser le braquage des gouvernes de profondeur, mais ce système n'était pas acceptable, car il aurait produit une augmentation significative de la traînée, ce qui aurait entraîné une surconsommation de carburant, réduisant considérablement l'autonomie de l'avion. La solution trouvée pour parer à ce phénomène consiste à déplacer vers l'arrière le centre de gravité de l'appareil. Sur Concorde, la seule masse déplaçable est le carburant. Le transfert du carburant se fait de l'avant vers l'arrière pour le vol supersonique et le contraire pour le retour en subsonique comme sur le Dassault Mirage IV. Trois réservoirs situés dans le fuselage, deux à l'avant et un à l'arrière servaient principalement à cette fonction. Le transfert s'effectue par deux conduits dits « main gallery » entre les trois réservoirs. Pendant ces transferts, le déplacement du carburant est entendu en cabine. À Mach 0,93, transfert vers l'arrière du carburant, aux environs de Mach 1,2, début du transfert vers l'avant. Pendant l'avitaillement, la séquence de chargement du carburant permet de ne pas « poser » l'avion sur la roulette de queue. Une table des volumes des réservoirs permet de connaître la répartition du carburant. Enfin, le carburant est également utilisé pour le refroidissement de l'air de conditionnement de la cabine.
Selon la vitesse, le maintien de la température en cabine peut se faire de deux manières. En vol subsonique, la cabine est réchauffée par le prélèvement d'air sur les étages compresseur haute pression. Pour des vitesses supersoniques, la climatisation est rendue difficile par l'échauffement de la cellule en raison des frottements de l'air. Le refroidissement se fait par échange avec le carburant, prélèvement des frigories. Une surconsommation de carburant peut obliger à revenir en subsonique plus tôt que prévu afin de conserver une température acceptable en cabine.
Quatre groupes de conditionnement d'air sont utilisés, mais une surveillance accrue de la température par l'officier mécanicien navigant est nécessaire pour éviter une augmentation de la température cabine non compatible avec le confort des passagers. La pressurisation de la cabine est réalisée par quatre vannes (ouflow valves) commandées par un contrôleur de pressurisation. L'OMN programme le système manuellement. Quatre indicateurs permettent la surveillance de la pressurisation. Il y a un variomètre cabine, un altimètre cabine, un indicateur d'écart de pression externe/interne (delta P) et un indicateur de position de vanne de régulation de pression de la cabine.
Le Concorde dispose de 2 circuits de secours à oxygène.
Le circuit pilotes comprend une bouteille oxygène gazeux qui alimente cinq masques à oxygène au poste de pilotage. Le circuit passagers est constitué de trois bouteilles installées en soute arrière qui alimentent les masques pour cent passagers et six personnels commerciaux.
Des bouteilles portatives sont installées à bord afin de permettre aux personnels commerciaux de circuler en cabine avec un masque à oxygène si besoin.
Comme les autres avions de la même époque (747, A300, DC-10), le Concorde est équipé de deux centrales aérodynamiques et d'un circuit de secours. Les centrales, situées dans l'entrée du cockpit, récupèrent les informations de nombreux instruments. La vitesse est obtenue grâce à des tubes de Pitot situés de chaque côté. L'altitude est mesurée à l'aide des prises statiques situées de part et d'autre du fuselage en arrière des portes avant. La température est relevée en utilisant des sondes sous le nez. La température est très importante pour le calcul du nombre de Mach. Les informations sont distribuées par des tuyauteries souples et rigides situées sous les planchers cabine et poste de pilotage sauf pour la température (informations électriques).
On retrouve les instruments classiques mais doubles, puisque servant en mode électrique (normal) et secours (pneumatique) sur chaque planche de bord. Ces indicateurs sont les altimètres pour l'altitude et les anémomètres pour la vitesse par rapport à l'air. Les machmètres indiquent la vitesse en nombre de Mach. Pour le calcul de celle-ci, il est nécessaire de connaître la température de l'air ambiant et la vitesse. Les variomètres sont utilisés pour connaître la variation d'altitude. Il y a également les indicateurs de température. Les informations reçues par ces instruments sont des informations calculées par les centrales aérodynamiques ayant pour origine les pressions prises par les Pitot et les prises statiques. Des sondes d'incidences et de dérapages, au nombre de deux chacune, complètent le dispositif aérodynamique. Deux sondes de dégivrage sont également installées. Toutes les sondes sont dégivrées en subsonique.
Le circuit de secours est entièrement pneumatique, des sondes aux indicateurs. Le Pitot est constitué par la pointe de perche de nez et la prise statique est placée sur la partie externe de cette même perche.
Deux recopies machmètres installés à l'avant des cabines avant et arrière permettaient aux passagers de suivre l'évolution du Mach en croisière.
Un test embarqué commandé par deux interrupteurs situés en arrière du pylône permet de simuler les vitesses et altitudes au sol.
Trois centrales à inertie permettent d'obtenir les informations de cap et horizon de manière indépendante de systèmes terrestres. Ces centrales, situées en soute électronique, sous le cockpit avec accès par une porte indépendante, sont chacune couplées à une batterie de petite capacité pour permettre d'assurer l'alimentation des centrales en cas de perte de réseau électrique.
Afin de lire et d'utiliser un cap magnétique, les centrales sont couplées à un coupleur compas, qui permet de corriger le cap géographique donné par les centrales à inertie pour obtenir un cap magnétique. Deux vannes de flux situées sur le toit de l'avion permettent de récupérer les informations magnétiques. Ces informations peuvent être lues sur les instruments de bord de chaque côté, mais les informations de cap et d'altitudes distribuées sur chaque planche sont d'origine différente pour faciliter la détection de pannes ou d'erreurs d'indications.
Le temps d'alignement et chauffe des centrales à inertie est d'environ 18 minutes. Ces centrales sont utilisées pour effectuer de la navigation par waypoints. Ces points de repère sont insérés un par un par les équipages. Les informations des centrales sont utilisées pour le cap, l'altitude (horizon artificiel), les corrections de vitesse et d'altitude, le calcul de la vitesse par rapport au sol et de la vitesse ascensionnelle, ainsi que pour le pilote automatique.
Couplé au pilote automatique, l'avion peut rejoindre son point de destination automatiquement sans autre surveillance que la vérification du passage du waypoint.
Des systèmes d'aide à la navigation par radio étaient installés sur Concorde. Il y avait deux VOR, radio navigation en VHF[59], constitués de deux antennes, deux récepteurs et boîtes de commandes, et des indicateurs RMI VOR pour la chaîne automatique et les HSI pour les chaînes manuelles. Les VOR sont couplés aux centrales à inertie pour le recalage des positions. Deux DME permettaient de calculer les distances de l'avion par rapport aux stations au sol. Deux systèmes ILS étaient utilisés pour le guidage des approches de précision. Ces systèmes utilisent les mêmes instruments de vol que les VOR. Le Concorde était équipé de deux ADF dont les antennes sont fixées sur le toit du fuselage et dont les récepteurs sont installés dans les armoires électroniques situées dans le galley[61] arrière. Deux RMI ADF permettent la visualisation des indications de directions des stations. Deux radio altimètres permettaient de lire les altitudes d'approche (inférieur à 2 000 mètres) avec précision (au pied près). Les antennes sont situées sous le fuselage à hauteur de la soute avant. Les émetteurs-récepteurs sont installés au fond de la soute avant. Il y avait deux systèmes radar météo qui permettaient la détection des zones nuageuses en vol. L'antenne double, installée dans le radôme de nez, envoyait les informations à l'aide d'un guide d'ondes vers les émetteurs-récepteurs situés en soute électronique avant. Les zones nuageuses seront visibles sur deux écrans monocouleur, situé à l'avant droit et gauche des pilotes. Deux systèmes ATC permettaient d'envoyer les informations de situation et altitude vers les Centres de Contrôle en vol. Deux systèmes anticollision en vol ont été installés en 1998 à la suite de l'obligation d'installation pour les vols, vers les États-Unis dans un premier temps.
Le Concorde est équipé de deux pilotes automatiques/directeur de vol, permettant de faciliter la conduite du vol aux pilotes pendant le vol[65]. Le panneau de commande (AFCS) est situé, comme pour les autres avions, sur le panneau situé au-dessus des indications moteurs. Il permet d'engager les différents modes PA/DV.
Les calculateurs PA, sont situés dans les meubles avioniques situé de chaque côté du couloir d'entrée du cockpit. Un test embarqué permet la détection et le dépannage des PA. La liaison PA/Commande de vol s'effectue par les relay-jack situés sous le plancher du poste de pilotage. À l'avant des manettes de poussée, un panneau avec des boutons de commande permet de faire évoluer en PA dit manuel. De plus, en PA, des bielles d'effort permettent de piloter l'avion en mode PA dit « pilotage transparent » à partir des manches sur simple effort du pilote. Les signaux d'effort transmis par les bielles sont traités par les calculateurs PA avant d'être envoyés sur les commandes de vol.
Le Concorde est certifié atterrissage tout temps dit CAT 3 A, hauteur de décision 25 pieds.
Le Concorde est équipé des systèmes traditionnels de communications radio. Il dispose de deux radios VHF[59] de 350 km de portée. Les émetteurs récepteurs VHF sont situés dans l'armoire électronique situé dans l'entrée du poste de pilotage. Les antennes sont situées, une sur le toit, l'autre sous le fuselage. Celle sous le fuselage a pour particularité d'être double (VHF et VOR).
Il y a également deux radios longue portée (HF) pour les routes empruntées au-dessus des océans et parties désertiques qui rendent obligatoire l'utilisation permanente de la HF. La nouveauté du Concorde est l'utilisation d'une antenne HF structurale située dans la partie basse du bord d'attaque de l'empennage vertical (tous les avions modernes sont maintenant équipés de cette façon). Les deux boîtes d'accord HF sont situées dans l'épaisseur de l'empennage vertical (portes ovales situées à gauche). La garantie du fonctionnement du système nécessite un essai par la maintenance avant chaque vol.
Aucun avion n'a été équipé de système téléphone satellite ni ACARS (telex).
À la mise en service, la détection incendie moteur est réalisée avec des détecteurs dits de « flamme ». Des cellules disposées dans les nacelles moteurs, trois doubles par moteur, sont chargées de détecter les flammes et la fumée. Trop sensibles et non fiables, d'une maintenance difficile (accès très difficile) ces détecteurs sont remplacés ensuite par des détecteurs classiques de l'époque dits « capacitifs ».
La détection incendie et fumée soutes est des plus classiques. Il y a deux types de détecteurs, détecteurs « ambiance » et détecteurs « prélèvement ». Les détecteurs « ambiance » analysent l'air ambiant grâce à des cellules photoélectriques. Les détecteurs « prélèvement » analysent l'air des conduits d'évacuation de l'air de ventilation des équipements.
Comme sur tous les autres avions, deux enregistreurs de paramètres équipent le Concorde. Il y a un enregistreur de paramètres dit DFDR, qui est réglementaire, situé dans la partie basse des meubles avionique du galley[61] arrière. Un autre enregistreur de paramètres dit QAR se situe en partie avionique du cockpit. Cet enregistreur dispose dans un premier temps d'une cassette, puis d'un disque optique facilement remplaçable, le but étant un accès rapide aux paramètres de vol par la compagnie à des fins de contrôle de trajectoires et de maintenance dans des conditions définies par la compagnie.
Comme pour tous les avions de ligne, le Concorde était équipé d'un enregistreur de conversation. Celui-ci, situé en partie avionique du galley arrière, permettait l'enregistrement des conversations du cockpit dès la préparation du vol de l'équipage et jusqu'à la fin de celui-ci. Il était équipé également d'une balise émettrice sous-marine.
L'altitude de vol étant élevée, un détecteur de rayonnement cosmique était installé à bord. Un indicateur permettait à l'équipage de contrôler en permanence le niveau de rayons cosmiques.
Seuls vingt Concorde – prototypes, appareils de présérie et exemplaires de série – ont été construits à Toulouse chez Sud-Aviation ou à Filton chez British Aerospace (plus deux cellules pour essais statiques[66]), six pour les essais et quatorze pour les vols commerciaux. Il y a ainsi eu :
Sur les vingt appareils, dix-huit sont préservés ; ils ont été remis par les constructeurs ou les deux compagnies aériennes qui ont exploité l'avion supersonique (Air France et British Airways) à des musées, des aéroports ou des associations aux États-Unis, en Allemagne, en Grande-Bretagne ou en France. Ce qui représente 90 % des appareils produits qui ne sont, pour l'instant, pas détruits. Cela est très rare en aéronautique.
Cet avion, s'il n'a pas été un succès commercial, s'est révélé, en revanche, une très grande réussite technologique. Il reste un symbole fort de technologie ultramoderne malgré ses cinquante ans, et nombreux sont ceux qui aiment ses formes sculpturales. Il est de plus un symbole de fierté nationale pour beaucoup de gens au Royaume-Uni et en France — étant généralement considéré en France comme un avion français, et au Royaume-Uni comme un avion britannique.
L'économiste Jacques Sapir relève que le Concorde a permis la « diffusion des savoirs et des équipements dans l’industrie aéronautique française », un phénomène « essentiel pour le succès ultérieur du programme Airbus »[67].
Le Concorde détient toujours le record des liaisons commerciales les plus rapides :
Le passager qui a le plus souvent volé sur Concorde, un Britannique dénommé Fred Finn, a effectué 718 vols sur Concorde entre 1976 et 2003, dont trois le même jour[70],[71],[72].
La vitesse et les horaires de Concorde (départ à 11 h de l'aéroport Paris-Charles-de-Gaulle et arrivée à 8 h 45 à l'aéroport John-F. Kennedy) ont facilité certaines négociations diplomatiques[73]. Dans des moments critiques pour la paix dans le monde (Yougoslavie et guerre du Golfe), les diplomates et Kofi Annan, ex-secrétaire général de l'ONU, ont utilisé le Concorde dans les deux sens.
De plus, le passage des chefs d'État et diplomates à Paris pour prendre le Concorde était l'occasion d'une visite au locataire de l'Élysée avant de s'envoler vers leur destination finale.
En 1991, François Mitterrand a utilisé le Concorde pour se rendre en Arabie saoudite quelques jours avant la guerre du Golfe afin de rencontrer le roi et de soutenir les troupes françaises stationnées dans le Royaume.
La réaction des riverains d'aéroports contre la perspective d'importantes nuisances sonores dues aux vols a aussi représenté un changement social important. Avant les premiers essais en vol du Concorde, les nouveautés de l'industrie civile aéronautique étaient largement acceptées par les gouvernements démocratiques et leurs électeurs. Les protestations populaires (particulièrement sur le survol de la côte est des États-Unis) contre le bruit du Concorde ont marqué un point de rupture politique. Par la suite, les scientifiques et ingénieurs de domaines variés ont commencé à prendre en compte plus sérieusement les impacts environnementaux et sociaux de leurs innovations.
De ce point de vue, le grand bond en avant technique incarné par le Concorde a aussi été un bond en avant pour la sensibilisation du public (et des médias) aux conflits entre la technologie et les écosystèmes naturels qui sont toujours d'actualité. Grâce à cela, beaucoup d'avions actuels produisent moins de particules polluantes et de nuisances sonores, et cela est peut-être une partie de l'héritage du Concorde. L'usage et la construction de murs antibruit le long des lignes SNCF de TGV et d'autoroute n'auraient peut-être pas été si développés sans les protestations des années 1970 au sujet de la pollution sonore des avions.
Un billet sur une ligne régulière Concorde était un privilège pour les plus aisés. Cependant, certains vols charter circulaires (les boucles supersoniques) ou aller simple (avec retour en voiture, train ou bateau) étaient organisés et accessibles à des passionnés moins fortunés.
Le Concorde est aussi apparu lors d'événements royaux au Royaume-Uni, volant parfois en formation avec la patrouille des Red Arrows. Il a aussi participé à de nombreux salons aéronautiques, et a été accompagné par la Patrouille de France.
Un timbre a été édité en France à son effigie, l'exemplaire en photo étant F-BTSC. Un cachet premier courrier postal supersonique a également existé pour la première desserte de Rio de Janeiro par courrier postal en Concorde (qui n'eût cependant pas de suite).
La Britannique Barbara Harmer et la Française Béatrice Vialle sont les deux seules femmes pilotes professionnelles du Concorde. Jacqueline Auriol a piloté l'appareil en tant que pilote d'essai.
En 1992, Aérospatiale Avions a présenté un avant-projet de supersonique « Alliance » dit ATSF pour Avion de Transport Supersonique du Futur. Ce projet devait transporter 250 personnes sur 10 000 km à une vitesse similaire (Mach 2). Grâce à un allongement plus important (2,2 au lieu de 1,56) la finesse aérodynamique aurait été de 10 au lieu de 7,3 pour le Concorde ; la consommation spécifique (rapportée à la poussée) restant du même ordre, 1,1 au lieu de 1,2 kg/(daN h), la consommation par passager pour 100 km serait descendue de 18 à 13 L. Les valeurs actuelles (en 2010) pour les avions subsoniques les plus économes sont de l'ordre de 2,5 à 3 L/100 km par passager[74],[75].
En , la compagnie EADS qui codétient Airbus (avec BAe Systems) annonça qu'elle travaillait avec des compagnies aériennes japonaises pour développer un avion plus grand et deux fois plus rapide (hypersonique) que Concorde[76]. Le projet ZEHST a été présenté au salon international du Bourget en juin 2011.
Concernant les aides d'État à la recherche, le réseau « Recherche aéronautique sur le supersonique » créé en 2000 par la direction de la Technologie (ministère de la Recherche) a été clos en 2004.
Un accord de coopération entre le Groupement des industriels français de l'aéronautique et de l'espace (Gifas) et son homologue japonais SJAC a été signé lors du Salon du Bourget 2005[77]. Le supersonique franco-japonais qui pourrait succéder au Concorde devrait transporter 250 personnes entre Mach 1,6 et 1,8 à 23 000 mètres d'altitude, sur 13 000 kilomètres. Son premier vol pourrait s'effectuer en 2017[78].
Les projets « hypersoniques » plus futuristes que réalistes étant mis de côté, il semble qu'un avion supersonique « possible » aurait une vitesse d'environ Mach 1,6, et des moteurs à double flux sans réchauffe présentant le meilleur rendement possible en subsonique. La question de la finesse aérodynamique, très inférieure à celle d'un avion subsonique, reste entière.
La compagnie britannique Reaction Engines Limited est engagée dans un programme de recherche appelé LAPCAT[79], financé à 50 % par l'Union européenne via l'Agence Spatiale Européenne. Ce projet a pour but d'étudier la possibilité d'un avion fonctionnant à l'hydrogène et transportant 300 passagers, l'A2. Cet avion hypersonique serait capable de voler entre Bruxelles et Sydney à Mach 5 en 4,6 heures. Il s'agit seulement d'une application prospective dérivée de leur projet d'avion spatial Skylon comprenant les technologies clefs, notamment le très innovant moteur hybride Sabre dont la variante appliquée à l'avion civil A2 s'appelle Scimitar ; celui-ci autorise l'entrée d'air à haute vitesse dans les moteurs, mais l'air est néanmoins refroidi et ralenti avant d'entrer dans le compresseur du moteur au moyen de l'hydrogène, embarqué dans d'imposants réservoirs, qui sert à la fois de refroidisseur et de carburant.
Un autre projet encore plus ambitieux est étudié par l'agence spatiale allemande (Deutsches Zentrum für Luft- und Raumfahrt) et soutenu également par l'Union européenne et l'ESA. Cet avion suborbital, le SpaceLiner, serait capable de relier l'Australie à l'Europe en seulement 90 minutes en atteignant une vitesse maximale supérieure à Mach 20.
La prochaine génération d'avion supersonique pourrait être l'avion Boom construit par l'entreprise Boom Technology[80], ou encore le Lockheed Martin X-59 QueSST (« Quiet Supersonic Transport »).
La réalisation du Concorde est le résultat d'une coopération interétatique dont le fondement est l'accord du 29 octobre 1962 de Londres conclu entre la France et la Grande-Bretagne « pour la construction d'un avion de transport supersonique civil ». Par ce traité, les gouvernements orchestrent le projet et chapeautent le travail des industriels. D'ailleurs, le traité entérine les accords passés entre industriels, c'est-à-dire entre les constructeurs français et les constructeurs britanniques. Il s'agit de l'accord du 28 novembre 1961 concernant l'ensemble propulsif, passé entre la SNECMA (la société française nationale d'études de construction des moteurs d'avion) et Bristol Siddeley d'une part, et de l'accord du 25 octobre 1962 concernant les éléments de cellule, conclu entre Sud Aviation et British Aircraft Corporation, d'autre part[81].
Ce traité a été modifié par 6 annexes ultérieures sur la définition technique des avions (annexe 1), quant à l'organisation au sein des industries nationales (annexes 2 et 3), portant calendrier du programme (annexe 4), définissant un plan de financement et un échéancier des engagements (annexe 5), et enfin relativement au partage du travail (annexe 6)[82].
Le traité pose un principe d'une égalité parfaite entre les deux États : « le principe de la collaboration est le partage égal entre les deux pays, du travail, des dépenses engagées par les deux pays et du produit des ventes » (article 2).
À la suite de nombreuses « crises de coopération »[83], en 1964, la Grande-Bretagne souhaite se retirer du programme mais l'accord ne contenant aucune clause de retrait, le projet commun pourra être mené à bien.
D'après l'article 31 de la Convention Universelle de Chicago de 1944 relative à l'aviation civile internationale : « tout aéronef employé à la navigation internationale doit être muni d'un certificat de navigabilité délivré par l'État dans lequel il est immatriculé »[84]. À cette fin, les États établissent les normes techniques, autrement appelées « règlements de navigabilité », à l'instar de la célèbre « FAR part 25 » (Federal Aviation Regulation 25) contenant les prescriptions techniques de sécurité en matière de conception publiées par l'administration américaine[85]. Les constructeurs se voient délivrer un certificat de navigabilité si leur avion est contrôlé par les États comme conforme à leurs règlements de navigabilité[86],[87].
Les constructeurs de Concorde déposent leur demande en 1960 auprès des administrations françaises et britanniques (la DGAC, direction générale de l'aviation civile, et l'ARB, Air Registration Board) et en 1965 auprès de l'administration américaine (la FAA, Federal Aviation Administration). Prévus pour 1966, les essais en vol ont finalement lieu en 1969 et le premier certificat est délivré en 1975. La rédaction de nouvelles normes de navigabilité s'est en effet avérée chronophage, pour combler ce qu'on appelle communément un vide juridique.
Dans les années 1960, les règlements de navigabilité nationaux sont adaptés aux caractéristiques des vols subsoniques, et ne peuvent pas répondre aux exigences du transport supersonique. De plus, les États-Unis travaillent aussi à la réalisation de leur programme supersonique (jusqu'en 1971, date de son abandon par le Sénat américain). Ils sont donc eux aussi dans l'obligation de faire évoluer leurs règlements de navigabilité, qui plus est, en commun avec les Anglais et Français.
D'une part, l'article 33 de la Convention de Chicago relative à l'aviation civile internationale de 1944 pose un principe de reconnaissance mutuelle de la validité des certificats : « Les certificats de navigabilité (...) délivrés ou validés par l’État contractant dans lequel l’aéronef est immatriculé, seront reconnus valables par les autres États contractants si les conditions qui ont régi la délivrance ou la validation de ces certificats (…) sont équivalentes ou supérieures aux normes minimales qui pourraient être établies conformément à la Convention ». Par « normes minimales », on entend notamment les normes fixées à l'annexe 8 (à la convention précitée de 1944) adoptée en 1949[88]. Cette annexe 8 « Navigabilité des aéronefs » comprend les règles minimales en matière de sécurité des aéronefs et en matière de délivrance des certificats. Cette annexe, toujours en vigueur, a pour but d'assurer un standard minimal de sécurité des vols internationaux civils. Cela précisé, le principe de reconnaissance mutuelle n'est pas absolu dans sa portée, notamment au regard de la question de l'importation des avions.
Et d'autre part, dans les années 1960, des compagnies américaines se sont positionnées pour l'achat d'avions Concorde (notamment la compagnie Braniff). Or, en matière d'avions importés, des accords particuliers ont été conclus, en marge des accords bermudiens. Ici, l'accord du 26 septembre 1973 entre la France et la Grande-Bretagne stipule : « les autorités aéronautiques auront le droit de subordonner leur reconnaissance de toute certification émise par les autorités de l'État exportateur, à l'observation de toute exigence additionnelle que l'État importateur considère comme nécessaire pour être assuré que le produit atteint un niveau de sécurité équivalent à celui auquel conduirait l'application de la législation, de la réglementation et des exigences en vigueur en la matière pour un produit similaire fabriqué dans l'État importateur » (art. 4). L'accord du 28 décembre 1972 conclu entre les États-Unis et la Grande-Bretagne contient une disposition similaire[89]. À travers la disposition précitée, il s'agit de garantir une compétition économique équitable entre avions importés et avions nationaux tout en tirant les standards de sécurité vers le haut.
Ainsi, en vertu de ces accords, les avions Concorde franco-anglais importés peuvent théoriquement se voir opposer par les Américains des prescriptions supplémentaires applicables aux avions supersoniques américains.
À ce stade de leur programme, les trois États protagonistes ont donc un intérêt commun à établir des normes harmonisées pour supprimer les obstacles juridiques dans la réalisation de leurs programmes technologiquement complexes et coûteux[90].
La coopération normative tripartite commence en 1961 avec une première conférence. La seconde se tient en 1963. Réunion des membres de la DGAC, du ARB et la FAA, la conférence prend le nom de « FAUSST » (French, Anglo, US Supersonic Transport), forum visant à créer des règlements de navigabilité harmonisés[91].
Après 7 années, le Forum FAUSST débouche sur l'élaboration de normes communes en 1968 appelées « SST STANDARDS » (supersonic transportation standards) et qui serviront de référentiel de certification.
Entre 1969 et 1975, deux mille heures de simulateur permettent de lever des doutes sur 8 000 points de certification[92]
Mille sept (1007) heures de certification seront nécessaires pour lever les 2 000 restants. À l'issue de ce travail, Concorde reçoit son certificat de navigabilité de la DGAC () puis du ARB (). Il recevra son certificat américain le [93].
En plus d'un certificat de navigabilité, les aéronefs doivent aussi obtenir un certificat de limitation de nuisance attestant qu'ils respectent les normes en vigueur de limitation de bruit (et de pollution aérienne) ce qui inclut les minima de l'annexe 16 « bruit des aéronefs » (1971) à la Convention de Chicago[94]. Mais Concorde ne possède aucun certificat de limitation de nuisances. En ce qui concerne le bruit plus particulièrement, la certification franco-britannique ou américaine aurait nécessité l'élaboration de normes acoustiques nouvelles adaptées aux supersoniques. Cependant, les États décident de ne pas se livrer à une telle opération. Concorde bénéficiera donc d'un « traitement de faveur »[95].
Notamment, la réglementation des États-Unis, la « FAR part 36 » fixant les niveaux acoustiques, n'a pas été adaptée aux supersoniques. L'administration américaine a décidé que les avions Concorde mis en service avant 1980 – soit tous les avions Concorde – seraient exemptés de plafonds acoustiques. Ils bénéficient de ce qui a été appelé la « clause du grand-père » aux États-Unis[96] (voir ci-après).
Au sein de l'OACI, ce traitement privilégié se retrouve dans l'ancien chapitre 12.2 de l'annexe 16 « bruit des aéronefs » (actuel chapitre 3 modifié) : pour les demandes de certification de supersoniques introduites avant 1975 (c'est le cas de Concorde), aucun niveau acoustique n'est applicable[97].
Pour de nombreux pays de l'époque, accueillir Concorde est un honneur, et ils sont prêts à accepter son atterrissage sur leurs sols, même non muni d'un certificat de nuisances (Brésil, Sénégal, Mexique notamment). Ils se révèlent des « destinations accueillantes »[98].
Enfin, les certificats de limitation de nuisances ne bénéficient pas du principe de reconnaissance mutuelle.
En raison des craintes des populations survolées, le 31 août 1966, un arrêté du Premier Ministre français créé une commission « chargée d'étudier les implications d'une éventuelle expérimentation destinée à étudier la tolérance des populations au bruit engendré par le vol supersonique »[99].
L'OACI (Organisation de l'Aviation Civile Internationale) vote également une première résolution n°A-16-4 en septembre 1968 sur le sujet, qui est complétée par une deuxième en 1978 (n°A 22-14) dénommée « problèmes techniques et économiques que pose la mise en service commerciale d'avions supersoniques »[100]. L'OACI y invite les États qui ont entrepris la construction d'avions supersoniques à lui présenter des propositions sur la manière de protéger les populations des effets du bang[101].
Finalement, le 28 mars 1973, malgré les espoirs franco-britanniques, la FAA interdit le survol du territoire américain en mode supersonique dans sa réglementation FAR 91[102]. En cette même année 1973, l'Allemagne, le Canada, le Danemark, le Japon, la Norvège, les Pays-Bas, la Suède et la Suisse imitent les États-Unis. Cette interdiction finit par se généraliser dans le monde[103]. Concorde ne pourra survoler à vitesse supersonique que les territoires aériens adjacents à la haute mer (zone internationale). Les terres habitées seront survolées en mode subsonique, le temps de rejoindre la limite externe des mers territoriales. Les routes au-dessus des eaux internationales (océans) seront donc privilégiées pour les vols Concorde. Enfin, la seule compagnie américaine (Braniff) à exploiter l'avion assurera les lignes intérieures américaines en mode subsonique.
Au moment de délivrer aux compagnies un permis d'exploitation du Concorde sur le sol américain, le contexte américain est assez peu favorable. Sur le plan politique fédéral par exemple, dès 1975 un sénateur et un représentant tentent d'introduire une proposition de loi pour supprimer les aides fédérales aux aéroports laissant atterrir des avions supersoniques ne respectant pas la FAR 36. La tentative échoue, comme les suivantes intentées jusqu'en 1977[104].
L'administration américaine délivre finalement aux compagnies Air France et British Airways un permis d'exploitation sur le sol américain. Dans sa décision du 4 février 1976, les deux principaux arguments juridiques de la décision du secrétaire d'État W. T. Coleman sont les suivants :
Concorde est donc autorisé à atterrir aux États-Unis au titre d'une période test de 16 mois, puis définitivement en juin 1978.
La décision administrative « Coleman » fait l'objet d'un recours produit par le Comté de Fairfax dans lequel se situe l'aéroport de Washington Dulles et par une association de protection de l'environnement appelée Environmental Defense Fund.
Finalement, la juridiction américaine saisie confirme la décision Coleman qui devient pleinement exécutoire le [105].
Si Concorde peut atterrir à Washington dès le , il devra attendre plus d'un an et demi pour atterrir à New York JFK en raison d'une décision du prise par l'Autorité Portuaire des États de New York et du New Jersey, qui gère l'aéroport de New York JFK.
Atterrir à New York est évidemment crucial pour la réussite du programme Concorde. Or, le , l'Autorité Portuaire de New York et du New Jersey vote une résolution refusant temporairement l'accès de Concorde aux installations portuaires de l'aéroport JFK de New York[106]. L'autorité motive l'interdiction par le non-respect des limites maximales fixées par l'autorité elle-même (à savoir 112 PN décibels, Perceived Noise Decibels) et par la production de basses fréquences aux effets inconnus sur la santé. À l'époque, les douze commissaires constituant l'Autorité sont directement sous l'autorité de l'État de New York, dont le Gouverneur M. Hugh Carey est un des plus influents détracteurs du Concorde[107].
Les compagnies et constructeurs du Concorde s'emploient alors activement à démontrer à l'Autorité que l'avion peut respecter les 112 Décibels en utilisant les pistes 31L et 22R avec une procédure de décollage particulière, et que Concorde n'émet pas de basses fréquences dangereuses.
L'Autorité renouvelle son interdiction le puis le pour une durée indéterminée. Après une campagne active mais infructueuse de communication auprès de l'Autorité, les compagnies, constatant le temps perdu, portent l'affaire devant la justice américaine.
Tout se joue en appel le [108]. Le juge Kaufmann donne d'abord raison à l'Autorité en rappelant l'affaire City of Burbank vs. Lockheed Air Terminal de 1973. Dans cet arrêt précité, la Cour Suprême admet que la compétence fédérale (à travers la FAR 91 et en particulier la FAR 36) ne fait pas obstacle à celle des propriétaires d'aéroports d'édicter des niveaux acoustiques complémentaires. Cependant, le juge Kaufman pose une réserve à cette compétence : « les propriétaires peuvent refuser l'accès de leurs aéroports à des avions considérés trop bruyants, à condition qu'un tel refus ne soit ni arbitraire ni discriminatoire »[109]. Or, à l'audience, l'Autorité, si elle reconnaît que Concorde peut respecter les 112 Décibels, ne parvient toujours pas à démontrer l'existence de basses fréquences dangereuses pour la santé malgré 17 mois d'études [110]. L'inaction publique est jugée déraisonnable et donc discriminatoire envers un aéronef étranger. Le 17 octobre 1977, la procédure judiciaire se termine[111] et Concorde peut atterrir à New York le 22 novembre 1977[112].
Le 2 mars 2019, un peu partout dans le monde on fêtait les 50 ans du premier vol du Concorde. En effet, ce fut le 2 mars 1969 que s'élançait dans les airs le tout premier Concorde 001 depuis l'aéroport de Toulouse-Blagnac, à 15 heures passées de 38 minutes.
Le musée Aeroscopia à Toulouse organise à cette date une journée spéciale où étaient prévues différentes activités. Comme par exemple, la visite du cockpit du Concorde 201, le premier Concorde de série ou encore une séance de dédicace en présence de Gérard Maoui, le coauteur du livre Concorde La légende du supersonique (André Rouayroux et Gérard Maoui, Éditions Privat, 2018)[113].
Le musée aérospatial de Bristol a organisé un événement singulier. Le nez et la visière du Concorde 216 (immatriculé G-BOAC) ont été mis en mouvement. Pour cela le circuit hydraulique du Concorde a été re-pressurisé et certains circuits électriques ont dû être réactivés[114].
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